L’éducation artistique par des questions socio-écologiques: une initiative pédagogique remplie d’espoir

Éduquer par l’art : ces trois mots soulèvent de vastes questionnements. On donne fréquemment au verbe éduquer le sens de former l’esprit. Pourtant, cette assertion pose un problème didactique, car aucun manuel n’existe pour montrer comment faire. De toute façon, qui pourrait s’arroger la prétention de pouvoir former l’esprit d’un autre ? Par contre, questionner les contenus des projets éducatifs, puis réagir devant la sélection des objets d’études considérés, le choix de l’approche privilégiée et le sens qu’on lui octroie peut s’avérer pertinent.
L’enseignant ne forme pas l’esprit. Au mieux, il accompagne ses élèves (c’est, étymologiquement, le sens du mot pédagogue). Mais alors de quoi une éducation artistique devrait-elle être constituée ? Certes, elle doit s’élaborer dans le respect du programme, mais elle doit encore, en toute conscience, tenir compte de l’état de dégradation de notre monde actuel. De mon point de vue, l’un ne va pas sans l’autre. Leurs formes de création, leurs langages propres, leurs outils, confèrent aux arts plastiques la latitude pour favoriser l’instauration de questionnements, l’émergence de pistes de réflexion et, parallèlement, la construction d’une vision du monde en lien avec des questions universelles. En l’occurrence, ces perspectives peuvent se matérialiser et répondre ainsi, par exemple, aux préoccupations formulées par Marie-Ève Marleau (2010), professeur à l’UQAM, qui évoque une crise socio-écologique et « interpelle les personnes et les collectivités à élucider et à comprendre la complexité de cette situation pour en prendre conscience et agir de façon à produire les changements qui s’imposent » (p.2). Dès lors, les questions socio-écologiques deviennent centrales quand il s’agit d’articuler le travail de création dans les classes d’enseignement de l’art.
L’interdisciplinarité semble une voie à privilégier, car la multiplicité des champs d’étude ouvre un passage vers la réflexion et la mise en œuvre de projets les mieux adaptés pour aborder la complexité de la socio-écologie. « L’interdisciplinarité permet le dialogue des savoirs et des méthodes disciplinaires autour d’un même objet. » (Jonnaert, P., Barrette, J., Boufrahi, S., Masciotra, D. 2004, p.686). L’interdisciplinarité des projets liés aux domaines généraux de formation (DGF) Environnement et consommation et Vivre ensemble et citoyenneté, fait converger l’éducation par l’art et l’éducation relative à l’environnement (ERE)1 dans une version repensée de l’enseignement des arts plastiques au secondaire.
Pratiquement, dans l’atelier, des projets engagés prennent forme. Le sens qu’on leur attribue s’inscrit dans un souci global de sauvegarde du monde, car l’art est puissant, « il est un projet de reliance, de connexion, de saisie du monde et de reconstruction de celui-ci par la voie créative, esthétique, symbolique. » (Lucie Sauvé, 2015). Les questions socio-écologiques, criantes d’actualité, participent à la pertinence des activités de création. Universelles, elles représentent un point de convergence multiâge, interpelant autant les enfants, les adolescents que les adultes. Il appartient aux enseignants de les exposer et aux élèves de se les approprier.
Sensibiliser et conscientiser les élèves aux grandes questions contemporaines est essentiel. Il s’agit là d’interventions qui les accompagnent dans la démarche qui contribue à la formation de leur personne. Le cours d’arts plastiques doit incarner « une action concertée en vue de développer chez les jeunes les attitudes et les compétences requises pour s’adapter aux exigences complexes de ce siècle » (MELS 2007, chap. 2, p.2). Investir de grandes questions contemporaines avec les jeunes consiste à penser l’éducation pour l’avenir. En définitive, il s’agit d’une initiative pédagogique remplie d’espoir.
Références
Marleau, M-È. (2009). Des liens à tisser entre la prise de conscience et l’action environnementales. Éducation et francophonie. Université du Québec à Montréal, Montréal. Volume XXXVII : 2, p. 11 à 32.
Ministère de l’Éducation, gouvernement du Québec. (2007). Programme de formation de l’école québécoise : Enseignement secondaire, deuxième cycle.
Jonnaert, P., Barrette, J., Boufrahi, S., Masciotra, D. (2004) Contribution critique au développement des programmes d’études : compétences, constructivisme et interdisciplinarité. Revue des sciences de l’éducation, 30(3), p. 667-696.
Sauvé, L. (2015). Postface. In Vincent Lambert et Isabelle Miron (dir.). J’écris fleuve. (p. 187-190). Montréal : Leméac.
1 L’éducation relative à l’environnement (ERE) tient compte de l’appréhension de questions sociales et environnementales.