À l’automne 2023, au Québec, les enseignants ont déclenché une grève d’une rare ampleur mettant en lumière le manque de reconnaissance à l’égard de leur profession, ainsi que les conditions de travail difficiles auxquelles ils se heurtent, pour des salaires peu attractifs. Cette mobilisation a révélé un épuisement professionnel généralisé, qui s’est accompagné de questionnements et s’est traduit, pour quelques personnes, par l’abandon de leur fonction. Chose certaine, une profonde démotivation, y compris chez les spécialistes en art, s’est fait sentir.


Celles et ceux qui se consacrent à l’enseignement des arts sont souvent mus par la conviction que les différentes formes de création (arts visuels, numériques ou autres) peuvent guider les élèves vers l’affirmation de leur individualité et vers le développement d’une citoyenneté critique et créative. À travers l’art, ils peuvent ainsi les encourager à contribuer significativement à la société. En nourrissant leur processus réflexif, les enseignants favorisent chez les jeunes l’appréhension de multiples réalités, comme la polarisation sociale, la pauvreté ou encore les changements climatiques.

Toute communauté traverse des crises qui se succèdent et s’entremêlent, si bien que les tumultes sociaux et environnementaux deviennent parfois la norme – état de fait auquel il semble d’ailleurs que nous devions désormais nous résigner. Face à ce constat, il est légitime d’interroger le mandat de l’enseignant et le sens à donner à l’éducation artistique.

Projet d’une classe d’art à l’école secondaire Curé-Antoine-Labelle, à Laval. Photo : Anne Deslauriers. Courtoisie d’Anne Deslauriers


Pour explorer cette idée, le rôle central de l’art à l’école doit être repensé, réaffirmé, de même que doivent être examinées les dimensions transversales contenues dans le Programme de formation de l’école québécoise1, qui englobent la construction d’une vision du monde, la structuration de l’identité et le développement du pouvoir d’action. Ces trois visées permettent aux éducateurs de guider les élèves vers la compréhension des réalités socioécologiques et culturelles qui les entourent, les incitant ainsi à sonder les différents aspects de notre milieu de vie commun. En soutenant l’enseignement artistique et l’engagement des jeunes envers la collectivité, on peut dès lors construire avec eux une réflexion sur le monde qui leur permettra de se l’approprier.

Par l’intermédiaire d’activités artistiques diversifiées, d’explorations culturelles, de rencontres et de discussions, les élèves acquièrent des compétences telles que la pensée critique et l’aptitude à échanger avec leurs pairs. Ainsi outillés, ils peuvent mieux commencer à définir leur appartenance à différents groupes sociaux, familiaux, culturels et, en l’occurrence, leur place en ce monde. L’autonomisation de ces jeunes, face aux défis complexes de notre époque, favorise pour eux l’épanouissement d’une identité réfléchie et solide, profondément ancrée dans une idéologie qui évolue. Cette capacité d’agir s’avère fondamentale pour leur permettre de prendre part de manière significative et constructive à la vie sociale et culturelle, enrichie par leur éducation artistique.

Il est essentiel de souligner que cette éducation en classe d’art représente un processus vivant, dynamique et ouvert, visant à façonner des individus conscients, sensibles et engagés à travers une expression artistique plurielle. Cette formation accorde une attention particulière aux intentions et à la démarche sous-jacentes aux projets des élèves, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture ou de performances, poursuivant des objectifs distincts et complémentaires à ceux liés à la maîtrise technique. Par l’expérience de l’art sous de multiples facettes, elle cultive un ensemble de compétences primordiales.

Classe de 6e année à l’école primaire. Curé-Paquin, CSSMI. Courtoisie de Récit arts


À l’instar de nombreux artistes, les enseignants en art sont investis du pouvoir de susciter l’émerveillement, de nourrir la curiosité et d’inspirer l’action. Leur classe devient alors un laboratoire où les idées prennent leur essor, où les débats enflamment les esprits et où les créations des jeunes se concrétisent. En favorisant un tel environnement, propice au dialogue et aux formes éclatées d’expression, les éducateurs en art les incitent à avancer consciemment. Autrement dit, l’art invite les élèves à explorer le monde librement afin de mieux le comprendre. N’est-ce pas la véritable motivation de l’éducation artistique? C’est peut-être à cela qu’il faut s’accrocher.

Enfin, l’art, en tant que moteur de transformation sociale, peut susciter des dialogues essentiels pour répondre aux enjeux actuels. Dans ce contexte, le Programme de formation de l’école québécoise mérite une attention particulière, puisqu’il convie directement les enfants et les adolescents à développer leur propre vision du monde. Cette approche s’avère éminemment pertinente pour encourager et promouvoir une adaptation constante aux besoins changeants des apprenants, dans un monde en perpétuelle mutation. Considérée de cette façon, l’éducation artistique devient plus significative aux yeux de certains enseignants qui cherchent à donner un sens à leurs interventions.

Dans le cadre d’un partenariat avec l’Association québécoise des enseignantes et enseignants spécialisés en arts plastiques (AQESAP), la parole est donnée à l’un·e des membres de l’Association, qui développe une réflexion, souligne une initiative ou aborde un enjeu relatifs à l’enseignement des arts.
La mission de l’Association québécoise des enseignantes et enseignants spécialisés en arts plastiques est de promouvoir et de défendre la qualité de l’enseignement des arts, de stimuler la recherche et de favoriser le partage d’expériences pédagogiques.

1 Ministère de l’Éducation du Québec. Programme de formation de l’école québécoise. 2001, 2007. Québec (Québec) : Ministère de l’Éducation.