Dès l’enfance, la socialisation des garçons et des filles les distingue. Alors que les filles échangent et partagent verbalement pensées et émotions, les garçons structurent ces échanges autour d’activités. Ce sont des jeux, des compétitions, avec souvent des résultats concrets ou mesurables. Ils ont une approche plus kinesthésique et pragmatique. Les garçons apprennent volontiers par essais et erreurs, contrairement à la majorité des filles qui adoptent généralement une attitude plus posée et qui rendent des travaux plus finis.

Mon expérience d’enseignante m’a amenée à trouver des approches simples pour intéresser les garçons aux arts plastiques.

Les garçons veulent-ils s’engager dans des projets artistiques ?

La nature masculine, autant que la nature féminine, est très riche en créativité, pour peu qu’on l’apprivoise. On ne peut pas toujours changer le contexte dans lequel les garçons sont plongés ni les exigences auxquels ils sont confrontés, et qui sont souvent plus adaptés aux filles. Cependant, on peut modifier notre approche en tant qu’enseignant si on se donne la peine de cerner certains aspects de la réalité des garçons.

Placés en situation de défi et de découverte, appuyés par leur enseignant, en utilisant du matériel simple, et parfois hétéroclite, les garçons sont capables de fournir l’effort requis, car ils aiment prendre des décisions, s’organiser et mener un projet. Dans ces conditions, ils suivent leur enseignant avec enthousiasme, et le problème de « discipline » s’amenuise. Quand on réussit à cerner leur mode d’action et leurs intérêts, les garçons manifestent le goût d’aller plus loin.

L’expérience d’un projet d’exposition d’un groupe d’élèves dans un centre d’art fut tout à fait concluante. L’objectif principal était d’offrir à des élèves du deuxième cycle du secondaire de la région des Laurentides un projet qui stimulerait la création artistique par un véritable processus de recherche et de production autour du thème de l’identité. À travers une authentique démarche de création, les garçons ont dépassé leurs limites personnelles et ont obtenu une satisfaction inespérée. Leurs réalisations se sont surtout démarquées par leur grande dimension et leur propos revendicateur. Les productions des filles étaient plutôt réalistes, proches de l’humain et inspirées par leur monde intérieur, tandis que celles des garçons étaient plus abstraites, conceptuelles et liées à leurs activités.

Une autre expérience concluante fut vécue lors d’une série de cours pendant lesquels les jeunes ont élaboré, à l’aide de ruban gommé, une sculpture corporelle inspirée de l’œuvre de l’artiste Jonathan Plante. Les élèves devaient concevoir un tatouage à leur image, puis l’intégrer à une partie du corps hypertrophiée ou déformée (façon super-héros). L’idée a littéralement emballé les garçons d’un groupe en parcours adapté. Là encore, les garçons n’étaient pas peu fiers de montrer leur « image de marque », de servir de modèle ou d’y participer en groupe. Le projet, complexe en apparence, s’est transformé pour eux en une stimulante expérience de résolution de problème… et ce, dans le plaisir !

Oui, nous pouvons « accrocher » les garçons

Si, à titre de pédagogue, nous voulons participer à la réussite de nos élèves et qu’ils réalisent leur plein potentiel, il est souhaitable de tenir compte des différences propres aux genres et de les respecter ; ce n’est pas aller à l’encontre de l’égalité des sexes. Apprendre à s’exprimer et à s’intégrer, se sentir accepté par son entourage, voilà les conditions nécessaires pour « accrocher » les garçons.

La discipline des arts plastiques est un excellent moyen d’amener les garçons à apprendre sur eux, à s’ouvrir à la différence, à l’originalité et à sortir de leur zone de confort. C’est là un apprentissage qui leur permet à la fois de se sentir valorisés, en étant mis au défi de façon intellectuelle et émotive, et de communiquer leur vision du monde. Nous devons donner accès aux arts plastiques à un plus grand nombre de garçons afin de leur permettre de prendre leur place dans un monde où l’image est omniprésente.

« Apprendre est expérience. Tout le reste n’est qu’information. »

Albert Einstein