Nous avons tous une définition de ce qu’est le multimédia. En tant qu’enseignant, il s’agit d’une plateforme de production professionnelle. Du point de vue de l’élève, ces démarcations sont plus floues, impliquant un ensemble de dispositifs et d’espaces plus souvent associé à un comportement qu’à une discipline. Les arts, ou du moins la création et l’appréciation d’œuvres, sont souvent liés à une prestation en relation avec une présentation multimédia, et l’on peut dire que celle-ci est maintenant omniprésente et fait partie du cœur de l’enseignement. Il reste bien encore quelques planches imprimées du travail admirable de Monique Brière, Les images de l’art, dans certaines classes d’arts plastiques, mais celles-ci tendent à prendre la poussière maintenant. Aujourd’hui, les élèves veulent aller au-delà des images : ils se questionnent sur différentes problématiques sociales, questionnements qui les impliquent dans leur démarche créative. Cette notion d’instantanéité est le propre du multimédia, et les élèves s’y adaptent de façon étonnante.

Qu’est-ce qu’une œuvre d’art dans une réalité où un flot incessant d’images ne cesse d’affluer sur Instagram et les autres médias sociaux ? Le statut officiel d’œuvre d’art dans une perspective de recherche pédagogique pose problème quand un artiste du dimanche sur Instagram a plus d’inscrits à son statut que le Musée des beaux-arts ! Nous sommes donc amenés en tant qu’enseignants à justifier la valeur d’une œuvre dite officielle et à relativiser la validité d’une œuvre dite plus populaire, sans pour autant nier ses qualités. Il peut s’agir là aussi d’une opportunité à remettre en question la validité d’une œuvre muséale, mais aussi à la remettre en contexte par rapport à sa réalité historique.

Darysson Brutus Louvre 
Série d’images réalisée par les élèves du cours de Multimédia École Mont-de-La Salle, Laval Avec la permission de l’enseignant Marc Laforest

La surabondance d’informations contribue au découragement de l’exploration chez certains élèves. Face à un monde de possibilités, il est plus facile de se cantonner dans une culture populaire restreinte et de s’isoler dans le lieu commun. Mais pour certains, la navigation se fait de façon beaucoup plus fluide et ils se permettent d’explorer des territoires moins fréquentés. Ces élèves sont au fait de l’actualité en matière d’applications, de logiciels en ligne, de jeux éducatifs, de vidéos… et de sites nébuleux. Bien souvent, ils contribuent, à leur façon, à la formation continue des enseignants d’aujourd’hui, quand ces derniers dégagent une marge de manœuvre dans leur planification pédagogique. Le cours de multimédia, tout comme celui d’arts plastiques, se doit d’être en constante évolution s’il ne veut pas que son contenu soit déconnecté de la réalité. L’enseignant, tout comme l’élève, peut succomber à la tentation de la facilité et de la stagnation intellectuelle.

Qu’est-ce qu’une œuvre d’art dans une réalité où un flot incessant d’images ne cesse d’affluer sur Instagram et les autres médias sociaux ?

Aujourd’hui, le nombre d’heures vécues dans le monde virtuel est en constante progression. Nos multiples écrans, mobiles ou non, nous permettant de jouer et d’être en contact avec les réseaux sociaux contribuent sûrement à cette progression. Ce constat est inquiétant par rapport, entre autres, à son lien direct avec la sédentarité, mais aussi avec celui de la problématique de la dilution de l’attention par le multitâche. Une séance de travail entrecoupée de messages sur les réseaux sociaux peut facilement influer sur la qualité du travail. L’exemple du chirurgien interrompant son opération pour une notification de vidéo de chaton a toujours son effet pour faire comprendre le concept aux élèves. Tout cela peut s’avérer préoccupant pour l’avenir de notre société. Par ailleurs, l’exposition aux multiples sources de stimulations émanant de l’espace virtuel fait apparaître un autre phénomène observé depuis plusieurs années : celui d’une certaine difficulté à user de son imagination. Certains par contre utilisent le langage propre aux codes actuels (memes, jeux vidéo, Ugly Drawns, youtubeurs) pour user de créativité afin de réaliser des œuvres humoristiques. Pour ceux qui ont une tendance à la passivité devant l’écran, ce comportement a tendance à s’exacerber. La pratique de l’enseignement différencié prend tout son sens dans la classe de multimédia. Nous nous trouvons souvent à suivre deux rythmes différents, avec une séparation très claire entre deux groupes, l’un très lent et l’autre très rapide. D’où l’importance pour l’enseignant d’être à l’écoute de sa classe et de développer des projets et des stratégies qui puissent permettre aux plus rapides de dépasser leurs limites et aux autres d’apprendre les rudiments.

Pour conclure, la pratique des arts dans un environnement multimédia tend à produire des formes nouvelles de pensées créatives qui cependant contiennent des pièges. Celles-ci pourront potentiellement avoir des répercussions profondes sur le comportement des futurs citoyens de notre société. Il est important de faire valoir aux élèves qu’un temps et une démarche de réflexion sont des éléments importants pour faire en sorte d’éviter les insuffisances éventuelles de ces nouveaux médiums servant à leur formation.