Pierre Bellemare
À la recherche de l’émerveillement
Pierre Bellemare est artiste. Sa carrière s’étend sur plus de 45 ans. En 1994, Lorraine Palardy l’a invité à travailler avec les Impatients dans leurs ateliers. Un an plus tard, non sans quelque hésitation, il a accepté. Il y travaille toujours. Pierre Bellemare n’a pas de formation en art-thérapie, il se définit plutôt comme un animateur avec une oreille attentive.
Pierre Bellemare a toujours eu carte blanche pour son travail auprès des Impatients. Il y anime des ateliers de création. Dès le premier contact, chaviré par le potentiel d’expression de certaines personnes souffrantes qui avaient jadis vécu de belles choses, sa vision fut claire : « Vu que les participants ont [maintenant] moins de chance de s’émerveiller, il faut que je les amène à s’émerveiller. » Sa ligne de conduite est toujours la même : « Je veux que l’on fasse de la création ensemble. » Pierre Bellemare s’investit donc dans les ateliers qu’il anime. Il revient souvent sur l’importance du « ensemble ».
Les ateliers ont lieu une fois par semaine et durent deux heures, mais pas plus, « sinon, ce serait épuisant ». Les groupes sont constitués de 10 à 12 participants. Pierre Bellemare est mobilisé chaque mercredi, il anime un atelier le matin et un autre l’après-midi. Il constate que le bien-être qu’ils procurent se poursuit d’une semaine à l’autre, et que les participants font preuve d’une ponctualité et d’une fidélité exceptionnelles. De plus, « dans les ateliers, il n’y a pas de compétition. En revanche, il y a de l’entraide. Chacun est stimulé par ce que les autres font. Les participants posent des questions, mais il n’y a pas de critiques négatives. »
L’animateur décide du projet : « Je fais travailler les participants sur des projets que j’ai moi-même le goût de réaliser, de voir montés. » Cette orientation a été déterminée au départ, il y a 22 ans. Il ne s’agit donc pas d’ateliers libres, mais d’ateliers dirigés. « C’est sérieux l’atelier parce qu’on n’y fait pas de l’occupationnel. On fait de l’art. » Pierre Bellemare part d’une idée qui l’intéresse ; les sujets qui en résultent proviennent souvent de la vie quotidienne. « Je ne vois pas pourquoi j’irais les chercher loin. » Le projet doit présenter un égal intérêt tant pour les participants que pour l’animateur : « Je donne le point de départ, et nous échangeons nos points de vue. » Pierre Bellemare connaît « certains trucs », comme il dit, et il aide les participants en tenant compte de leurs capacités. Mais pour l’animateur : « Ils sont tous capables. » D’où l’importance de les encourager à continuer.
Des projets pour découvrir quelque chose
« Je travaille mes ateliers avec des thèmes nouveaux pour chaque projet. » Pierre Bellemare aime faire découvrir des techniques, des médiums, des sujets et des artistes, surtout en art contemporain. Dans sa philosophie, il faut des projets qui comportent des défis et qui concernent autant les participants dotés de bons moyens et de talent que ceux qui en sont moins pourvus : « Il s’agit de proposer un sujet simple où tous les participants peuvent trouver leur manière de s’exprimer. »
Certains projets se prêtent bien à un travail individuel, d’autres à un travail collectif. Même après 22 ans, Pierre Bellemare avoue : « Je sais comment ça va démarrer, mais je ne sais pas ce que ça va donner. » Ce dont il est certain, c’est qu’il doit y avoir un crescendo. Le projet peut durer des mois et, avec l’expérience, il constate que « le grand emballement dure jusqu’aux trois quarts ». La partie la plus délicate demeure la fin du projet. Mais tous le terminent en vue de l’exposition, moment très important « pour obtenir la reconnaissance, pour retrouver l’estime de soi et dire aux autres que nous sommes capables ». C’est là que le travail prend sa valeur. Les félicitations des gens présents sont inestimables : il ne faudrait pas que le projet soit tout simplement rangé dans un portfolio. L’exposition permet que le travail soit vu, voire admiré.
La passion qui ne se tarit pas
Lorsqu’on demande à Pierre Bellemare pourquoi il n’arrête pas de travailler avec les Impatients, il répond que « sur le plan humain, c’est extraordinaire, c’est valorisant, gratifiant » et qu’il est heureux d’offrir ce qu’il sait faire de mieux. Il observe avec satisfaction que les participants s’épanouissent dans le processus de création. Par son rôle d’animateur, « il communique la flamme de la création, l’excitation de la création » puisque, en tant qu’artiste, « il connaît la peur et les grandes joies de la création ». Et il apprend avec eux : « Il y a des participants qui sont de grands artistes avec un instinct de la couleur, de la forme. » Pour Pierre Bellemare, sa force réside dans sa capacité « de toucher la sensibilité des participants pour qu’ils s’émerveillent et pour qu’on s’émerveille ensemble ».
Réaliste, Pierre Bellemare affirme qu’il faut continuer ce travail parce que la demande ne faiblit pas : « Des personnes blessées, il y en a et il y en aura encore. » Il croit en l’importance de faire de l’art : l’art qui guérit peu à peu, à long terme. « Avec 22 ans d’expérience, il est certain que j’arrive à deviner certaines choses, je suis sensible aux états d’âme. »
À ne pas manquer : une nouvelle exposition
Le prochain projet des participants des ateliers de Pierre Bellemare sera présenté à la galerie d’art des Impatients. Inspirés par les grottes de Lascaux, les participants ont peint une fresque d’inspiration préhistorique, en y intégrant des couleurs sur de grandes toiles qui feront le tour de la salle. Une série d’objets en terre cuite réalisés par les participants complètera l’installation.