Une entrevue avec Éric Lamontagne Par Marine Van Hoof

Dans la foulée de l’introduction des arts médiatiques à l’UQAM, le Cégep de Saint-Hyacinthe a intégré ce nouveau champ à son DEC en Arts visuels. Intitulé « Arts visuels et médiatiques », le programme désormais bien rôdé a pour mandat d’assurer une solide formation de base dans une variété de disciplines traditionnelles (dessin, peinture, sculpture, histoire de l’art et autres) tout en favorisant l’acquisition de moyens de création actuels basés sur les technologies numériques et médiatiques.

« Pendant tout un temps, nous avions des cours séparés sur la photographie et sur l’image numérique. Récemment, nous avons réuni les deux dans un cours appelé Photographie et traitement de l’image donné en 2 parties durant le premier et le deuxième trimestre », mentionne d’emblée Éric Lamontagne. Il explique cette mesure : « Nous avons pris la décision de renoncer à avoir une chambre noire. Non pas qu’elle n’aurait plus sa place dans notre programme qui accorde une grande importance à l’histoire de l’art, mais la maintenir était devenu trop lourd. Nous avons préféré considérer que l’ordinateur ferait office de chambre noire et investir dans l’équipement d’un véritable studio, qui permet de pousser loin la manipulation de l’image 2D et la mise en valeur du sujet. Pour ce qui est de la 3D, abordée en sculpture, nous avons investi dans une imprimante 3D de qualité. »

PRIORITÉ À LA CULTURE GÉNÉRALE

Qui dit 3D, dit réalité virtuelle et jeux vidéo. À la question de savoir jusqu’où l’ouverture aux nouvelles technologies peut pousser un professeur à puiser des exemples de créations visuelles dans des domaines a priori étrangers à l’« art », Éric Lamontagne précise que le mandat consiste à élargir la palette, mais en gardant à l’esprit l’objectif d’enseigner l’art et son histoire. « Person­nellement, il m’arrive de citer à titre d’exemple l’un ou l’autre jeu vidéo, mais sans en faire un sujet principal. Au Collège, nous pensons que la culture générale va plus loin que la culture populaire. »

L’art médiatique suppose la maîtrise d’outils de toutes sortes. Les étudiants manipulent tous des données numériques jusqu’à un certain point, mais… faut-il être un « geek » en techno­logies pour profiter pleinement du programme offert par le Cégep ? « Non, répond sans hésiter le professeur, le programme permet à tous les étudiants de s’initier aux outils numériques, que l’on soit déjà calé dans le domaine ou pas. Soit dit en passant, on a tendance à exagérer le nombre de « geeks » des ordinateurs que compterait la jeune génération ! Contrairement à d’autres écoles, nous ne proposons pas aux étudiants de choisir durant la formation entre le numérique et le traditionnel. Certains d’entre eux sont un peu réticents au début, mais au bout du compte, ils sont satisfaits d’avoir exploré et abordé un domaine technique qui les attirait peu au début. Ce parti pris d’imposer à tous l’initiation aux techno­logies durant les deux années a aussi permis ce constat encourageant : un grand nombre de filles se passionnent aujourd’hui pour les technologies, alors qu’elles étaient peu nombreuses il y a quelques années. » 

UNE NÉCESSITÉ

L’initiation aux divers outils technologiques ne signifie pas que l’on tombe dans la tendance consistant à vouloir les maîtriser tous. « Ici, nous ne privilégions aucun logiciel particulier (à l’exception de l’incontournable Photoshop). Notre but est d’apprendre aux étudiants à trouver une solution et à explorer la panoplie d’outils disponibles sur Internet en suivant un cheminement logique. Nous faisons aussi en sorte que les acquis d’un cours soient réinvestis dans les autres cours. Cet objectif se concrétise en particulier dans le cours « Création et multimédia » donné lors du dernier trimestre, où les étudiants réalisent une œuvre personnelle qui reflète les acquis techniques qu’ils ou elles ont accumulés, mais exige aussi de leur part de produire une analyse de leur production en justifiant le traitement choisi. »

Du point de vue de l’enseignant, l’intégration des arts médiatiques ne représente-t-elle pas tout un défi ?

« En effet, répond Éric Lamontagne, mais l’initiation aux nouvelles technologies est une nécessité, elle cimente de plus en plus la base de ce fameux renouvellement que l’on demande à l’enseignant. Certains enseignants rechignent à faire le pas, sans que cela nuise à la qualité de leur enseignement, et je respecte cela. »

Les enseignants ne se retrouvent-ils pas contraints de passer beaucoup de temps à la recherche de solutions techniques au détriment d’un temps de réflexion partagé en classe ? « Personnellement, je vis bien cette situation, étant très intéressé par le volet technologique, même si je constate qu’aider les étudiants à résoudre des problèmes techniques exige énormément de temps. Si l’école en avait les moyens, il serait opportun de créer et de mettre en ligne une série de vidéos explicatives reliées à nos cours ; elles guideraient les étudiants dans la maîtrise des nouvelles technologies et les rendraient plus autonomes face aux difficultés. Ce serait même bénéfique pour tout le département. »

Au terme de leur DEC en arts visuels et médiatiques, quels sont les choix qui s’offrent aux étudiants ?

« Ceux et celles qui ne pensent pas nécessairement faire carrière dans l’art en poursuivant des études supérieures en arts visuels – la majorité d’entre eux – ont beaucoup de possibilités pour la suite de leur formation : du design graphique ou industriel à l’infographie et aux jeux vidéo, sans oublier la communication, l’édition, l’illustration ou la bande dessinée. Il s’agit de domaines où leurs connaissances en arts médiatiques et numériques constitueront un grand atout. »