Si l’on connaît encore peu le rôle précis d’une formation universitaire sur le cours d’une carrière en arts visuels, une telle formation semble néanmoins constituer un pré-requis pour évoluer dans le milieu des arts.

Selon une étude menée en 2010 par l’I.S.Q. (Institut de Statistique du Québec), 70 % des artistes professionnels détenaient alors un diplôme universitaire en arts visuels. Dans un domaine où la précarité domine, il demeure difficile d’établir un portrait unique et figé de l’artiste dit « professionnel ». Dans quelles mesures une telle formation prépare-t-elle l’aspirant artiste à entrer dans le milieu professionnel ?

Ce qui frappe lorsqu’on observe les enseignements dispensés par le Département en arts visuels et médiatiques de l’UQÀM, c’est leur caractère multidisciplinaire. De la céramique à la photo en passant par le dessin, quasiment tous les médias sont enseignés aux différents niveaux d’études. L’aspect pratique est certes mis en avant, mais il est balancé par un enseignement théorique dans chaque discipline. Comme le précise Claire Savoie, directrice des programmes de maîtrise, « il ne s’agit pas uniquement d’enseigner un savoir-faire pratique destiné à créer un produit fini mais de développer un esprit critique au sujet de la place de l’art et de l’artiste dans la communauté ».

Arts hybrides

Les enseignements théoriques en histoire de l’art permettent aux étudiants de mettre en contexte leur travail, d’être avertis à propos du milieu dans lequel ils devront exercer leur activité, et par là de devenir autonome. Pour conforter cette volonté, plusieurs moyens sont mis à leur disposition. On y dénombre des rencontres avec des professionnels de l’art, notamment grâce à des conférences, la possibilité d’exposer leurs productions – soit à la galerie CDEX et à la galerie de l’UQÀM – ou encore d’être choisi pour des événements à l’extérieur via la mise en relation avec des commissaires. C’est aussi en sortant de la communauté immédiate de l’université que se forme l’esprit des artistes, c’est pourquoi des stages à l’étranger sont régulièrement organisés. Louis Bouvier, finissant à la maîtrise, parle de son expérience lors de la Biennale de Venise comme « d’un moment clé », qui lui a permis de « mettre en perspective son travail par rapport avec ce qui peut se faire hors du pays ».

Comme l’explique Claire Savoie, la multiplicité des modalités d’expression que l’on trouve lors des années de formation sert à « encourager les formes d’arts hybrides, mais aussi à développer d’autres types de langages ». Comme l’art ne se délimite plus en termes de médias et que les frontières disciplinaires sont aujourd’hui floues et difficiles à cerner, les artistes n’hésitent plus à mixer différentes formes d’expression pour se faire entendre. C’est ce que constate également Louis Bouvier (dont l’exposition de fin de cursus a été présentée à la galerie de l’UQÀM) : « l’apport des différents ateliers pratiques m’a permis de développer un langage propre. Ainsi, pour mon exposition, j’ai voulu briser la hiérarchie des médiums par le montage anachronique de différents symboles, en alliant par exemple, céramique et dessin, travail du bois et sculpture. »

Acquérir un langage visuel personnel, être autonome et capable de définir clairement les contours de tout travail de création

Les standards requis

Acquérir un langage visuel personnel, être autonome et capable de définir clairement les contours de tout travail de création, tels sont les principaux objectifs de la formation en arts visuels et médiatiques. Les volets d’un tel programme s’intègrent certes à une démarche de développement personnel et d’affinement de la réflexion individuelle d’un aspirant artiste, mais de plus, ils lui permettent de se confronter au monde extérieur. Le parcours artistique passe souvent par de nombreuses sollicitations auprès des centres d’arts, des organismes d’État et des galeries, il convient donc d’avoir un discours en accord avec les standards requis. À ce sujet, Claire Savoie précise, « le nombre de diplômés issus des différentes formations en arts visuels sur le marché n’a cessé d’augmenter, ce qui commande une véritable rigueur dans la présentation des dossiers que les artistes déposent pour obtenir des bourses ou des résidences. » Ainsi, « sans tomber dans le jargon strictement académique, il s’agit pour les artistes émergents de savoir articuler leur pensée avec leur pratique de façon cohérente, et sur ce plan, une bonne formation les aide indiscutablement. »

Le grand nombre de programmes offerts et l’augmentation de leur fréquentation ont permis d’établir un environnement propice à l’éclosion d’une communauté artistique prolixe. La qualité et la diversité de l’enseignement universitaire a permis à des artistes d’acquérir des savoirs théoriques et pratiques de pointe. Malgré cela, entreprendre une carrière en arts visuels et médiatique reste une entreprise hasardeuse, en tous cas précaire. Selon l’étude menée en 2010 par l’ISQ, le revenu moyen d’artistes « confirmés », et ayant au moins une maîtrise, plafonnait aux alentours de 33 000 $ par année, ce qui semble dérisoire en comparaison avec d’autres professions requérant un niveau d’études égal. Quoi qu’il en soit, la voie universitaire semble la plus propice non seulement pour acquérir une compétence technique et théorique indispensable, mais encore pour établir de solides réseaux qui conditionnent désormais toute réussite.