Situés au cœur de l’arrondissement du Sud-Ouest, les Ateliers Jean Brillant se sont fixé des objectifs ambitieux : ouvrir leurs espaces sans interruption tout au long de l’année à « des formes artistiques diverses de qualité tout en tissant des liens avec la communauté qui les environne ». Fortes de leurs 12 000 pieds carrés, ces anciennes usines désaffectées comportent au rez-de-chaussée des espaces assez vastes pour accueillir une foule nombreuse à l’occasion d’événements sociaux ou d’expo­sitions, mais aussi des tournages de films ou des troupes/groupes en répétition qui louent un espace pour une durée plus ou moins longue selon leurs besoins ; on y trouve aussi une grande salle réservée à des expositions ou à des activités de création. L’étage comprend plusieurs espaces-ateliers d’artistes à louer pour une courte durée ou pour une résidence, ainsi que des espaces-bureaux (anciennement occupés, par exemple, par le Mois de la Photo). Une visite des lieux un après-midi de semaine donne une idée de la ruche créative que sont ces Ateliers où toutes les conditions sont réunies pour stimuler la création, qu’elle relève des arts visuels, de la musique, de la danse ou de la littérature : pendant qu’au rez-de-chaussée un groupe de musiciens s’entraînait sur une scène à faire jouer de bruyants trombones expérimentaux, dans la grande salle à côté – qui n’est autre que l’atelier de Jean Brillant, sculpteur et propriétaire des lieux –, une petite équipe s’activait à déplacer d’immenses longerons de fer et d’autres instruments en bois et en fer. Un peu plus loin, dans une troisième salle, à l’écart du brouhaha, une artiste en arts visuels travaillait aux peintures et sculptures qui feront l’objet de sa prochaine exposition.

Pour gérer les espaces et organiser les activités et événements, Jean Brillant, qui a entrepris de restaurer les lieux depuis une dizaine d’années, s’est entouré de toute une équipe. L’ensemble fonctionne comme un centre d’artistes autogéré. Ce sont surtout les revenus provenant de la location des salles et des espaces qui permettent l’organi­sation des événements et l’entretien des lieux.

L’aspect industriel des lieux, très éloigné du « cadre nickel » qui accueille souvent la création contemporaine, constitue un atout : les Ateliers comptent parmi les rares endroits de Montréal qui offrent à la fois beaucoup d’espace et une grande accessibilité. « Musiciens, danseurs, troupes de théâtre trouvent non seulement beaucoup d’espace, mais aussi une ambiance “brute” intéressante. Le lieu devient pour ainsi dire le décor naturel de leur création qu’il stimule », expliquent Jean Brillant et son collègue Guillaume. Un phénomène qui se vérifie lors de chaque édition de Chantier Libre, l’événement clé des Ateliers, où un groupe d’artistes sélectionnés par l’équipe présente durant un mois une suite de performances, de spectacles et d’expositions qui attirent de 3 500 à 4 000 personnes. Un coup d’œil sur le riche programme de la quatrième édition renseigne sur la diversité et la qualité des propositions artistiques : outre une exposition collective, une résidence de création et des tables rondes, Chantier Libre IV (mars 2014) a présenté un concert de musique classique, une soirée de performances et un grand événement de dessin d’après modèle vivant (suivi par quelque 250 personnes obligatoirement munies d’un crayon), sans oublier l’encan bénéfice, la soirée de vidéo et celle de la musique électro-acoustique. Au total, près de 90 artistes. Parmi les 17 artistes en arts visuels, sept habitent ou travaillent dans l’arrondissement du Sud-Ouest. Chaque édition est le fruit d’une réflexion collective de l’équipe des Ateliers, qui préfère aller vers les artistes plutôt que de les solliciter par appels de dossier. Selon Jean Brillant, l’expression « commis­sariat conjoint » résumerait assez bien la façon dont les Ateliers abordent la direction artistique partagée du programme. L’édition IV s’est prolongée à l’extérieur par l’installation de sculptures dans le parc du Premier-Chemin-de-Fer qui longe les Ateliers, à la grande satisfaction des habitants du quartier. Du coup, l’Arrondissement, qui apporte son soutien financier et logistique au Chantier Libre, a invité Jean Brillant à exposer jusqu’en 2015 ses grandes sculptures dans le parc du Premier-Chemin- de-Fer : plusieurs d’entre elles ont déjà été placées le long de la voie cycliste du parc et semblent rencontrer l’assentiment des résidents et des usagers du lieu. Mais derrière l’impressionnant éventail d’activités émergent avant tout la volonté d’enga­gement de Jean Brillant et celle des artistes des Ateliers, pour lesquels la capacité de médiation du lieu est primordiale : entre l’art et le public, entre les disciplines qui sont souvent cloisonnées, entre l’art confirmé et les propositions artistiques alternatives. Ainsi, à l’occasion de Chantier Libre III, les Ateliers ont accueilli un projet musical destiné aux jeunes en difficulté qui a connu un franc succès. Très attendue, la prochaine édition de Chantier Libre se déroulera en avril-mai 2015.