Au carrefour de l’automatisme et de la géométrie des plasticiens, Guy Montpetit propose une synthèse dont témoigne L’Alliance N 606.

Spirales. Volutes. Courbes. Méandres. Contours accentués. Points. Empreintes ou tracés identiques distribués à la surface de la toile. Aplats de couleurs ici mâtinés de nuances… Le peintre Guy Montpetit a transformé ces signes-outils en modules de construction à la base de son vocabulaire.

Rien de systématique pourtant. Maniant de tels outils, son objectif n’est pas tant d’acquérir une forme de visibilité manifeste. Montpetit refuse également la sérialité érigée en dogme clos.

Il se défie de ce formalisme auquel pourrait pourtant le conduire cette simplification des éléments plastiques. L’agencement en alternance des couleurs et des surfaces et la démarcation des espaces font appel à un ordre qui s’installe dans le discernement. Et ce, un peu comme si, à travers la stabilité et le retour lancinant de ces signes, le spectateur serait convié à découvrir, chaque fois, un sens caché s’ouvrant à lui. L’espace de contemplation se résout certes à l’intérieur de l’espace plastique, mais ce langage nous conduit vers des bribes d’images reconnaissables et familières. Tout se passe en fait comme si ces signes-outils étaient là pour nous renseigner sur notre monde en perpétuel mouvement et les passages souvent imperceptibles qui s’opèrent entre le naturel et l’artificiel.

L’espace abstrait intègre ici objets de la vie quotidienne et impressions reçues, parfois paysagistes. S’établissant en une série d’arcs concentriques, les plages de couleurs (rose acide, gris bleuté, bleu faïence) se délient dans Alliance, œuvre sur papier à l’acrylique.

La puissance sérielle de cette composition ondoyante évoquant une succession de coques doit beaucoup au départ à la géométrie. Au cœur de « l’effet rafale » causé par ces mouvements proches et l’apport du geste brillent des touches cerclées d’orange vif, de jaune ou de carmin rutilants.

Pour Alliance, ses traits charbonneux et son traitement souple de la ligne, de concert avec les aplats de couleurs, établissent une sorte de continuité entre dessin et peinture que Montpetit conjugue avec élan.

Cette œuvre sur papier témoigne aussi de l’un des grands objectifs de Montpetit : celui de rendre manifeste le statut d’objet de la peinture. Cet objectif n’exclut ni la volonté de laisser filtrer les évocations ni celle de rester à l’écoute des jeux de composition. En même temps, la répétition générative des signes-outils accentue cette idée de transformation que communique l’ensemble de son œuvre. À cet égard, la série des Tubu­laires datant des années 60, qui rend de façon étonnante l’esprit et l’énergie de cette période, est éloquente.

Alliance, qui date du début des années 2000, associe la tentation de la géométrie à des fortes références gestuelles. Ce « retour », travaillé avec humour, témoigne aussi, une fois de plus, de l’assimilation par l’abstraction des choses de l’univers qui nous entoure. Cette œuvre démontre aussi comment Guy Montpetit, au fil des ans, maîtrise avec brio une gamme chromatique fondée sur des tons primaires, des couleurs vives, acidulées. Elles sont parfois tendres et sensuelles, parfois volontairement criardes : il les rehausse grâce au recours au blanc. L’œuvre enfin indique comment pour Montpetit la peinture assimile en son sein plusieurs modes et significations.

Comme d’autres artistes québécois de sa génération tels Hurtubise, Saxe ou Lemoyne, Montpetit tente d’établir une forme de synthèse entre les styles qui ont marqué, à partir de l’apport automatiste et de la géométrie des plasticiens, l’évolution de l’art québécois. Campant sur les positions de ses aînés, il ne s’en démarque pas moins en proposant sous l’influence du pop américain une vision désacralisée de la peinture.

Cette référence explique-t-elle le côté ludique de son œuvre ? L’artiste a su adapter son vocabulaire pictural à la réalisation, souvent en matériaux composites, de nombreux projets d’art monumentaux qui, par leur caractère direct et enjoué, « parlent » à l’usager. La peinture murale de la station de métro Assomption (2015-2016) où dansent couleurs primaires, courbes et formes triangulaires en est le plus récent exemple. C’est aussi afin de tenter de combler le fossé entre l’artiste et la société que Guy Montpetit, au-delà de ses projets d’art public, a épousé les luttes et l’engagement social des années 60 en militant pour la défense des droits des artistes.

Notes biographiques

Peintre et muraliste, Guy Montpetit est diplômé de l’École des Beaux-Arts de Montréal (1961) et a étudié à l’Atelier 17 à Paris. Il a été un des artistes de la manifestation artistique Corridart à Montréal en 1976. Sa carrière qui démarre en 1967, est jalonnée de nombreuses expositions individuelles et collectives au Canada et aux États-Unis. Il a réalisé des murales qui rehaussent des établissements publics au Québec grâce au programme d’intégration des arts à l’architecture. Il vit et travaille à Val-David dans les Laurentides depuis 1973.

Guy Montpetit est représenté par la Galerie d’Arts Contemporains (Montréal).