Les compositions de Marc Séguin suggèrent plus qu’elles n’explicitent ce qu’elles représentent. Selon les touches de couleur et les divers angles de vue allant et venant du passé au présent, elles proposent plusieurs lectures.

Huile sur toile, Paysage Nord est une peinture narrative. Elle offre une plongée dans la lumière rosée d’un crépuscule ; l’œuvre évoque, en outre, les froissements de la matière face au temps.

En effet, un ciel tendre illumine de grands espaces dont les plissures rappellent celles d’un tissu bleu ; au pied de ces espaces coule une rivière onctueuse aux teintes sanguines. Dans le coin droit de la toile à la sensibilité d’un lavis, on aperçoit, recouvertes de touches de vert, un amas de broussailles calcinées, témoin sans doute d’une activité humaine que l’artiste laisse ainsi deviner.

Faut-il s’étonner que Marc Séguin, à la fois chasseur et pêcheur, publie, en 2009, La foi du braconnier, Prix littéraire des collégiens, et tourne son premier long-métrage Stealing Alice dans le Grand Nord du Québec !

« Il y eut un bruit sourd dans la profondeur délicate et dolente de mon Moi le plus profond. Je sentis que la main velue du destin m’effleurait... » Ces mots du romancier, journaliste et peintre italien Dino Buzatti, auteur du Désert des Tartares, pourraient bien avoir été écrits par l’artiste québécois Marc Séguin, tant la quête de l’essentiel, à travers une observation sensible de la vie, habite son œuvre.

Fuyant l’immédiateté des modes et les carcans stylistiques, Marc Séguin ose panacher la figuration et l’abstraction pour mieux transmettre sa vision singulière du monde. Il s’ingénie ainsi à déconstruire des fragments de vie. Sa gestuelle souvent iconoclaste devient le miroir de l’univers disparate et tourmenté dans lequel nous nous animons au risque de bousculer les aveuglements auxquels nous pourrions être tentés de nous accrocher.

L’artiste, dans des jeux d’oppositions et, de contrastes, ne craint pas de défigurer, voire d’étêter, les figures de son imaginaire, permettant ainsi d’interroger le chaos intérieur d’où émergent tant de vies. En écho, son bestiaire (orignal, loup, lapin, oiseau…) reprend la constante dualité entre l’attaque et la fuite, la proie et le chasseur : cette théâtralité parfois macabre laisse souvent s’endiabler des couleurs festives, comme dans L’autoportrait en oxymore.

Si l’on devait parler de thématiques chez Séguin, ce serait à la fois l’importante présence de la nature dans son œuvre, aussi bien dans les paysages nordiques que dans les paysages urbains.

Enfin, s’il fallait qualifier en une phrase cet artiste aux multiples visages, représenté actuellement à New York à la Mike Weiss Gallery et à Montréal à la Galerie Simon Blais, on pourrait dire qu’il a l’esprit libre d’un humaniste sensible aux réalités et aux mirages de son temps.

Notes biographiques

Peintre, graveur, romancier, Marc Séguin, qui partage son temps entre Montréal et New York, est un assoiffé de connaissance. Dès 1996, ses créations attirent l’attention des responsables de centres d’exposition et de galeries ; il avait alors exposé en solo Ici-Maintenant à la galerie Plein sud, une suite d’œuvres qui lui valent un net succès public relayé par des commentaires élogieux des critiques d’art. Peu après, le Musée d’art contemporain de Montréal l’invite à participer à l’exposition de groupe De fougue et de passion. En 2000, sous le double thème de la solitude humaine et du perpétuel cycle de la lumière solaire, il y présente une exposition personnelle, Les Rosaces, qui sera mise en tournée dans de grandes institutions canadiennes ainsi qu’au Centre culturel canadien à Paris.

Marc Séguin est représenté par la Galerie Simon Blais (Montréal).