Éditorial n°255 – Pour un art qui s’enracine

Il va sans dire que le contexte du numéro d’été est particulièrement propice à ce que nous montions un dossier thématique sur l’accessibilité des arts en région : pour nos lectrices et nos lecteurs à Montréal, n’est-il pas bon de rêver à une petite escapade hors de la ville ? Et pour celles et ceux un peu partout au Québec, est-il plaisant de reconnaître la vitalité de sa région ? Je dois avouer que c’est un enjeu qui vient me chercher d’une manière plutôt personnelle. Étant originaire du Lac-Saint-Jean, je suis particulièrement sensible à ce qui se développe actuellement au Québec et aux efforts mis en place pour favoriser une « décentralisation » des arts – encore faudrait-il ici admettre qu’un centre doive exister pour qu’il y ait décentralisation… Les textes que vous lirez dans le dossier mettent de l’avant les organismes autant que les artistes, et une raison simple explique ce choix : il y a là l’idée qu’au Québec, tout un réseau s’organise pour soutenir la production, la diffusion et l’enseignement des arts, de manière à favoriser la circulation des artistes professionnels et surtout à créer des ponts entre leurs œuvres et le grand public. Et quand je parle de ponts avec le public, je pense aussi à tous ces petits facteurs individuels qui forgent nos propres trajectoires humaines, ces moments de déclics à partir desquels on commence, un jour ou l’autre, à s’intéresser à l’art.
Des textes comme celui d’Ariel Rondeau, de Christine Dufour et de Sarah Ève Tousignant nous le prouveront : autant dans les musées d’art à Joliette, Saint-Jérôme et Rimouski, que dans les initiatives de circulation mises en place sur la Côte-Nord, dans les Laurentides et la Couronne Nord de Montréal, on voit s’instaurer une réflexion sur la manière dont on peut adapter la production artistique à son contexte local et vice versa, et bien sûr cela a pour effet d’ouvrir la discussion sur les aspects communautaire et social de l’art. Cynthia Fecteau nous apprendra que les ponts interrégionaux peuvent se faire dans une perspective écologique, et Julie Bruneau, en rencontre avec l’équipe de la Boîte Rouge VIF à Chicoutimi, que ces mêmes ponts doivent être rétablis dans une optique de collaboration locale. Car si l’on parle ici de région, il est important de mentionner que l’on parle d’abord et avant tout d’organisation du territoire, mais aussi d’appartenance, ce qui inclut les canaux de diffusion, physiques et numériques, qui favorisent la mobilité des œuvres. Le dossier « Trajectoires et enracinement » se construit donc de manière non exhaustive – le Québec est grand et les projets artistiques nombreux –, et offre un aperçu de quelques initiatives récentes qui contribuent à faire circuler, à faire connaître et à implanter, sur le long terme, l’art actuel et ses artistes dans les régions.
Comme chaque été, Vie des Arts présente le cahier Les Détours de l’été, que vous trouverez en ces pages et aussi dans tous les centres participants, que nous vous invitons bien sûr à aller visiter. D’autres critiques, actualités et profils vous feront quant à eux connaître ou redécouvrir le travail d’artistes émergents comme des plus établis : Kamissa Ma Koïta, Mathieu Léger, Catherine LeBlond, Isabelle Clermont, Susan Edgerley, Manuel Mathieu, Paul Gauguin, Claude Monet et Yoko Ono pour n’en nommer que quelques-uns.
Je profite aussi de l’occasion pour remercier l’équipe de Vie des Arts, dont le renouvellement est désormais confirmé, qui m’accompagne dans l’organisation et la production de notre belle revue : Julien Abadie, directeur général et éditeur, Marie-Ève Leclerc-Parker aux communications ainsi que Maria Pirès, dont vous reconnaîtrez le nom, pilier administratif depuis plus de quinze ans.
Peut-être ai-je hâte de me retrouver les pieds dans l’eau, je ne m’étends donc pas plus longtemps : bonne lecture et bon été !
Jade Boivin