Prenant parfois la forme de gestes et de processus de mise en commun, les démarches artistiques cherchent dans ces cas à créer des relations pérennes. En explorant des savoirs collectifs, et en y joignant des connaissances instinctives et émotives, certaines œuvres remplissent l’important rôle qu’est celui de favoriser une conscience sociale critique.

Ce numéro d’été est l’occasion cette année encore d’accueillir un artiste pour la rubrique Création, conçue comme une commande d’œuvre d’art exclusive. Cette fois, c’est Francys Chenier qui nous offre Who cares about a Blue Bird’s tune, réalisée en tant que correspondance postale en collaboration avec Sylvie Cotton. L’enveloppe qui s’est promenée entre Saint-Alphonse-Rodriguez et Montréal s’insère ici dans les pages de la revue comme autant de fragments qui, dans le flot de lecture, nous forcent à prendre une pause. Pour la rubrique Essai, nous accueillons cette fois Elisabeth Otto, qui propose une étymologie du « désapprentissage » comme méthode de recherche en histoire de l’art. N’étant ni un concept historique ni un concept esthétique, le désapprentissage s’impose néanmoins dans la recherche en art contemporain. L’artiste néerlandaise Annette Krauss le démontre fort bien, elle qui cherche dans des procédés collectifs comment apprendre à désapprendre : peut-on oublier le savoir emmagasiné en nous, une fois qu’il est acquis ? Partant d’un postulat apparenté, Véronique Leblanc et Elise Anne LaPlante – mandatées cet été en tant que commissaires de la Biennale ORANGE et rencontrées par Florence-Agathe Dubé-Moreau le temps d’un entretien – développent comme assise de leur travail ce qu’elles nomment une « posture d’apprenante ». Reconnaissant qu’on ne peut pas tout savoir, elles font de leur démarche une éthique de l’apprentissage collectif. Ce pouvoir que l’art détient de créer des liens communautaires se révèle efficace parce qu’il est fédérateur. Partie rendre compte de la Biennale de Venise, rendez-vous incontournable de l’art contemporain international, Catherine Barnabé revient sur les révoltes populaires se trouvant au cœur de la démarche de Stan Douglas, au Pavillon du Canada. Composant des récits transhistoriques et transnationaux, il cerne dans les grands bouleversements mondiaux des récurrences qui pourraient nous permettre de dénicher un certain optimisme pour l’avenir, reconnaissant l’aspect rassembleur tant de la culture que des révoltes populaires. Enfin, au cœur de ce numéro, nous présentons le portrait de deux artistes : Vicky Sabourin et Ursula Johnson. La première, rencontrée dans son atelier à Montréal, préparait son exposition estivale au Musée d’art de Joliette, dans laquelle elle souhaite recréer des paysages olfactifs comme gages de réminiscences de proches décédés, tandis que la seconde, jointe à distance à Venise pour une résidence, préparait entre autres un corpus pour une exposition au Central Art Garage à Ottawa. Planifiant réinterpréter un chant chrétien en mi’kmaw, elle puise dans cette technique pour sa propriété apaisante, effet qui touche tant le corps que l’esprit. Retrouvez enfin des Visites d’expositions d’artistes tels Moyra Davey, Julie Trudel, Stanley Février – ce dernier venant tout juste d’être nommé parmi les cinq finalistes de la courte liste du Prix Sobey pour les arts 2022 –, ainsi que le cahier Les détours de l’été, notre rendez-vous estival annuel.

La revue est elle aussi un lieu collectif qui souhaite fédérer autour de l’art, et nous sommes d’autant plus ravis que cette intention ait été reconnue par le jury des Prix du magazine canadien. En effet, Vie des arts a obtenu une mention honorable en tant que finaliste de la catégorie « Meilleur magazine : art, littérature et culture ». Cette reconnaissance est aussi la vôtre, vous qui nous suivez de près ou de loin, et nous vous en remercions.

Découvrez le contenu du no 267 – été 2022