Éditorial n°273
Dans les dossiers thématiques parus au courant des dernières années dans la revue, la motivation principale était de décliner en certaines facettes l’aspect processuel d’un art en train de se faire, pour faire ressortir non pas des thématiques ou des sujets, qui seraient traités par l’art et par les artistes, mais des manières de faire. L’art présuppose une attitude de recherche-création qui matérialise les savoirs, et qui incorpore la connaissance.
C’est ce qui est à l’honneur dans le dossier « Pratiques » de ce deux cent soixante-treizième numéro de Vie des arts. On s’intéresse aux manières dont les artistes interprètent leurs champs d’action et, par extension, aux moyens par lesquels l’écriture peut adapter son vocabulaire pour faire ressortir les espaces (d’exposition, institutionnels, collectifs) en tant que matière. Concevoir l’œuvre d’art comme recherche-création nous sert aussi à actualiser perpétuellement la connaissance que nous avons d’elle et, donc, de l’art comme donnée culturelle. Il nous faut un contexte pour nuancer et situer la connaissance, et c’est ce que l’œuvre d’art peut nous offrir.
Pour les deux « Portraits », nous ciblons deux artistes qui font de leur démarche des actes sociaux. Chez Po B. K. Lomami, rejoint·e dans son atelier à l’Université Concordia, les choix d’interventions artistiques sont faits selon les besoins rencontrés dans un contexte précis. L’a-disciplinaire ou l’indisciplinaire lui permettent d’adopter une énonciation libre, en phase avec son parcours débuté en autodidaxie. Avec Salima Punjani, rencontrée dans son atelier situé à Montréal, on joue avec les sens. Ses œuvres, qui mobilisent une présence humaine, génèrent une expérience esthétique corporelle.
Ce numéro est aussi l’occasion de clore le programme de Résidence en écriture critique – arts autochtones offert par Vie des arts avec le soutien du Conseil des arts de Montréal. Dominic Lafontaine rédige un éloquent article, publié dans la rubrique « Essai », qui revient sur les pratiques technocréatives (notamment celles faisant l’usage de l’intelligence artificielle), se demandant si une réconciliation numérique est possible.
Dans la rubrique « Perspectives », Laurence D. Dubuc fait un retour sur la question du statut de l’artiste. En commentant les avancées de différents rapports et projets de loi retravaillés récemment par les deux paliers de gouvernement, l’autrice spécialiste conclut qu’au-delà du besoin de mieux réglementer juridiquement le statut professionnel de l’artiste, il faut admettre qu’il existe une crise du travail qui persiste dans les milieux de la culture.
Dans la section « Visites », le compte-rendu critique de l’exposition Regarder le monde en face, présentée à la Galerie Âjagemô, à Ottawa, rédigé par Franchesca Hebert-Spence et Janneke Van Hoeve, nous intime de reconnaître les manquements dans les collections institutionnelles : si les institutions artistiques veulent poser des gestes rétrospectifs réparateurs vis-à-vis des communautés qui demeurent absentes des grands récits sur l’art formant la mémoire culturelle de notre société, comment peuvent-elles impliquer directement les communautés concernées dans les processus d’acquisition ? Enfin, nos collaboratrices et collaborateurs font aussi un retour sur les expositions ayant marqué la saison dernière : la Biennale de l’image MOMENTA, à Montréal ; la Biennale internationale du lin de Portneuf ; Alexander McQueen au Musée national des beaux-arts du Québec ; Isabelle Leduc, dans le cadre du centième anniversaire de Jean Paul Riopelle, au Centre d’exposition de Val-David ; la photographe canadienne Lynne Cohen, dans une grande exposition en duo avec Marina Gadonneix au Centre Pompidou, à Paris ; et le brutalisme revu par les artistes dans les espaces de la Coopérative Méduse à Québec. Lisez aussi la chronique de l’AQÉSAP et les comptes rendus de deux récentes publications d’artistes, Ianick Raymond avec Laurent Lamarche, et Josée Pedneault.