Existe-t-il une crise dans le domaine de la critique? À droite et à gauche, on s’interroge sur son utilité, on suit ses métamorphoses, on décèle ses impuissances, on assiste à la furie des critiques iconoclastes, il y a peu de bons critiques, disent les uns, il n’y en a plus, disent les autres, et pendant ce temps la terre tourne et l’on constate qu’il y a de plus en plus de journaux, de revues d’art, de monographies, de livres et d’histoires de l’art. Des colloques nombreux discutent le statut du critique, et, sur le plan international, l’Association des Critiques d’Art, qui se réunira en assemblée plénière dans plusieurs villes du Canada, au mois d’août continue son rôle actif et cherche à renouveler la fonction de critique sous la présidence de M. René Berger.

Après les discussions sur le thème de la rencontre Art et Perception, on examinera en comité les difficultés du métier de critique. Le critique est-il devenu un oppresseur? Celui qui devrait « prôner l’art comme le lieu du plus grand exercice de notre liberté » est-il en train de vouloir l’imposer d’une manière autoritaire à l’aide de jugements abusifs, d’éreintements injustes, de silences inexplicables? La grande liberté dont jouit le critique lui commande une plus grande responsabilité encore envers le créateur et le consommateur. D’autre part, comment apprécie-t-on le critique qui s’en tient à une information sans faille, qui met en lumière et puise à même son expérience les références nécessaires à la situation des oeuvres, à leurs confrontations et qui fournit en somme tous les éléments de choix en ayant le bon goût de s’abstenir de toute autre intervention.

Selon Pierre Restany, « il n’y a pas de bons ou mauvais critiques d’art, mais des gens qui écrivent sur l’art et qui ont une personnalité ou qui n’en n’ont pas. » Qui sont-ils ces écrivains sur l’art? Michel Ragon en distingue quatre catégories: le critique passif, voyeur, enregistreur de l’actualité: le critique juge, qui bénit et excommunie ou coupe la poire en deux de peur de se tromper; le critique théoricien qui, par ses formules et ses systèmes, met un ordre créatif dans le désordre de la création et enfin, le critique militant, compagnon de lutte d’un clan et qui n’a d’yeux que pour la tendance dans laquelle il s’est engagé On peut aussi ajouter une catégorie populaire en Amérique du Nord, le critique-dandy qui ne croit plus à l’art et qui part en guerre contre l’esthétique.

Sans doute, ce qui ajoute à la confusion de l’information dans le domaine artistique est attribuable en grande partie aux balbutiements des formules de communication dans les médiums de masse traditionnels. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont utilisées à la diable, sans plan directeur, qu’elles manquent d’objectivité, qu’on y parle de tout, excepté d’art. Aragon a justement défini la critique « comme un esclavage à vie. » C’est possible, mais à condition d’avoir un seul maître, la réalité.

À l’occasion du Congrès de l’Association Internationale des Critiques d’Art (A.ICA), qui se tiendra à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, du 1 7 au 30 août 1970, la revue Vie des Arts est heureuse de présenter des textes de quelques-uns des membres de l’Association.