Éditorial n°61 – Le vivace et le varié à l’ère du pop
J’ai visité récemment le petit appartement de jeunes amis (lui, ethnologue, elle, designer); un décor vivant, liaison formes couleurs, du goût, des murs blancs, vierges, pas de tableaux, un silence des premiers jours L’oeil au repos. Même un Picasso eut été de trop Faites moi plutôt un lit de pommes. Heureusement, le Cantique des cantiques.
Donc, révolution du décor. Depuis longtemps annoncée. L’architecture a été bousculée par le Bauhaus. la peinture par le cubisme. Et nous commençons seulement à distinguer les revirements, à comprendre les effets. Beaucoup de peintres l’ont compris aussi. L’art du concept n’est ni absurde. ni révolutionnaire, il est évolutionnaire. Il n’a pas tué le tableau de chevalet, c’est plutôt le tableau de chevalet qui n’a, qui n’aura plus de lecteurs. L’homme, changeant de nature, passe de l’artifice à l’art nu, du fini à l’ébauche, du raffiné au brut, avec la même joie sauvage qu’il met à faire le chemin à rebours quand il se sent bien repu. Depuis le début, même besoin profond d’identité avec ce qui l’entoure, aujourd’hui celui de revendiquer l’espace quand tout devient exigu, d’assurer la paix à l’œil assiégé, d’opposer le silence au bruit.
L’art gratuit n’a donc plus qu’à se réfugier dans l’esprit, il devient celui des combinaisons rationnelles, des schèmes, un art qui exige des mécanismes nouveaux de
communication ou plus simplement le développement d’une sensibilité plus spirituelle? L’injection des images dans le cerveau est aussi vieille que l’homme: ce qui varie, selon les époques, c’est la capacité d’assimilation.
Si on jetait plutôt un coup d’œil du côté des développements parallèles. Le design, dans sa meilleure expression au XXe siècle, est une conquête de l’art. Il apparaît de plus en plus, à côté du non-art, de l’art brut, comme le langage animé, coloré de la vie quotidienne et façonne les modes de communication. C’est l’agent visuel et spirituel d’une réalité nouvelle. Arme à deux tranchants, il peut créer soit encore plus d’anarchie ou bien il peut assurer l’élément majeur d’un climat amélioré. Comprendre, contrôler, transformer le milieu où il vif, c’est le privilège de l’homme. D’où le caractère vivant, engagé du design. D’où la nécessité des prises de positions sobres et sensibles des designers dans ce domaine. En définitive, il s’agit de l’analyse d’un problème, de l’étude des solutions possibles pour le résoudre, du choix et de la mise en marche des solutions retenues.
Donner des solutions claires à des problèmes de formes-fonctions n’est cependant pas aussi simple, ni aussi courant que cela peut paraître, sans quoi nous n’éprouverions pas le sentiment irritant de vivre presque constamment en état d’agression suscité par un milieu hostile au bon sens autant qu’au bon goût.
Le rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec (Commission Rioux) donne la définition suivante du design : « Le design est donc cette discipline qui combine la sensibilité esthétique et la créativité de l’artiste avec la connaissance scientifique et intellectuelle du technicien pour façonner l’environnement humain. »
Après la série noire et la série rose des propositions extravagantes qu’on nous présente au nom de la création artistique, il fait bon de retrouver la simple poésie, l’imagination et, pourquoi pas, l’art? Voir du côté design.