Boursier de la Bauhaus – Universität Weimar (Faculté Art & Design), l’artiste québécois Vincent Brière termine actuellement sa maîtrise. Avant de se rendre à Weimar, il a mené avec succès des études qui lui ont permis d’obtenir un baccalauréat en arts visuels à l’Université Concordia à Montréal tout en travaillant au service éducatif du Musée d’art contemporain de Montréal.

Interrogé sur ce qui l’a poussé à choisir cette université-là (il aurait pu aussi étudier en Californie), il répond sans hésiter qu’étudier à Weimar présente plein d’avantages. « Son programme est très reconnu au niveau international. De plus, il y a un vrai buzz autour de ce nom, avec tout ce que la dénomination « Bauhaus- Universität » représente historiquement. Résultat : le programme dans lequel je me suis inscrit, « Public Art & New Artistic Strategies », attire des étudiants du monde entier, ce qui en fait une plateforme très stimulante. Personnellement, j’apprécie de fréquenter le berceau du Bauhaus, j’aime son architecture, mais le modèle d’enseignement a évidemment changé. Le programme se déroule sous la forme de résidences d’artistes d’une durée d’un semestre, avec le choix d’un site où se concentrent les recherches de l’étudiant. Mes médiums étant la performance, la vidéo et l’installation, j’ai pu développer plusieurs projets dans ce sens. Par exemple, durant le premier semestre, la Fondation du Mémorial de Buchenwald (l’endroit a abrité l’un des plus importants camps de concentration (1937-1945) du régime hitlérien, à 5 km de Weimar) a invité depuis quelques années des artistes venus d’ailleurs (sans lien personnel avec ce lieu) à y faire une résidence pour réfléchir au statut du Mémorial, alors que les anciennes casernes ont été transformées en logements depuis les années 1990. Engagé dans ce projet, je me suis longuement promené sur le site et je me suis intéressé à la vie des nouveaux résidents de cet endroit très chargé d’histoire ; j’ai sollicité des entrevues avec les habitants et plusieurs ont accepté de me parler. Il en est résulté un mini- documentaire, intitulé Home, où l’on voit des images des édifices et où l’on entend les entrevues. Le film a été présenté, en 2017, à la Galerie de la Fondation du Mémorial, elle-même aménagée dans l’ancienne salle de désinfection du camp. » Travailler, créer et exposer dans un tel contexte est délicat. Comment s’y prendre ? « J’approche le sujet en veillant à garder une distance respectueuse. L’interactivité avec les habitants est un élément très important pour moi et je continue à réfléchir à d’autres possibilités qu’elle offrirait. D’autre part, le fait que les artistes contemporains sont recherchés ici pour susciter de nouvelles réflexions et des pratiques alternatives autour du mémorial est stimulant. Mon film a été bien accueilli, je viens d’apprendre qu’il a été acquis par les archives locales (Archiv der Moderne). »

Pour un autre projet de semestre, Vincent Brière a imaginé de réaliser, avec l’aide d’une collègue (Ina Weise, qui enseigne dans son département), une performance directement inspirée par une sculpture en bronze installée dans le jardin du Kronprinzenpalais, Unter den Linden à Berlin, dont il a réalisé un film présenté en boucle : on y voit, au pied de la sculpture, les tentatives auxquelles se livre le duo afin d’imiter le mouvement des figures représentées, en s’arrogeant le rôle de lancer le corps du partenaire dans les airs à la femme plutôt qu’à l’homme, elle est bien en peine d’y parvenir, vu la taille et le poids de l’artiste ! « Le choix de la sculpture n’est pas innocent : intitulée Lebensfreude (Joie de vivre), cette sculpture orne un lieu, très particulier, c’est l’endroit où le traité de réunification des deux Allemagne a été signé. »

Dans l’immédiat, Vincent Brière prépare deux expositions. « Vers la fin août, avec les étudiants finissants de mon cours, précise-t-il, je présenterai au Festival d’art de Weimar (Kunstfest Weimar) des travaux inspirés par le centenaire du Bauhaus que la ville tient à souligner particulièrement. » Et après la maîtrise ? L’expérience acquise en Allemagne lui donne-t-elle envie d’y poursuivre une carrière artistique ? Sa réponse est plutôt oui. « Weimar est une ville très riche intellectuellement où j’ai beaucoup aimé résider, mais c’est un espace restreint. Leipzig est une ville plus grande, en plein essor, qui fourmille d’artistes. Son rythme de vie et ses conditions accessibles m’attirent. Donc, pourquoi pas Leipzig ? »