La Semaine des arts de New York, toujours aussi passionnante!

Encore une fois, mon collègue Marc Laforest et moi-même, nous nous habituons aux consignes obscures du métro et affrontons le froid humide d’une fin d’hiver new-yorkais pour assister à la Semaine des arts de New York. Son énergie, ses gens et ses œuvres nous animent et nous passionnent, nous, enseignants d’arts plastiques, en marge du marché de l’art et de ses aspects pécuniaires.
Au cours des années, nous avons acquis cependant un regard plus nuancé sur l’intelligentsia new-yorkaise et ses différents Art Shows, en nous faisant une certaine idée des tractations en cours. Cette année, par exemple, fut riche en événements atypiques comme la dissolution imprévue de VOLTA, qui fut réparti in extremis sur plusieurs lieux d’exposition, au grand dam de ses exposants. Par ailleurs, nous avons été surpris de voir un gain de qualité de la foire Independent, que nous avions délaissée depuis quelques années : le soin apporté à la sélection des œuvres nous incite à la visiter de nouveau l’an prochain.
Notre penchant pour le Springbreak Art Show s’est avéré encore juste cette année. Cette foire regroupe à la fois des artistes, des commissaires et des galeristes qui savent d’avance qu’ils auront à s’adapter à des lieux particuliers, toujours incongrus, ce qui amène des solutions nouvelles et intéressantes.
À cette foire, deux artistes ont retenu particulièrement notre attention. Dans les passages parfois étroits des espaces à bureaux en friche de Springbreak, nous avons été amenés à croiser de manière presque intime les œuvres et leurs artistes. Nous y avons rencontré Alina Bliumis, dont le travail se trouvait à une intersection névralgique fort occupée. Cet espace contigu rappelait l’atmosphère festive d’un vernissage animé. Nous avons discuté avec l’artiste qui s’accommodait de ce tumulte avec légèreté et désinvolture. Son travail de l’aquarelle porte sur une interprétation des caricatures politiques de la Première Guerre mondiale : à l’époque, ces figures satiriques se confondaient avec les silhouettes des pays d’Europe, illustrant avec humour une situation géopolitique complexe. En utilisant, par exemple, les lieux communs de l’Internet, Bliumis redessine la carte des États-Unis continentaux avec cinquante chats. De sa perspective biélorusse, elle émet un commentaire à la fois satirique et graphiquement fascinant. Du point de vue de l’enseignant d’arts plastiques, l’idée d’utiliser les contours et enchevêtrements des pays est fort inspirante et permettrait de travailler, de concert avec un enseignant d’histoire, une forme narrative de la distance critique et de la satire politique.
L’artiste Lavaughan Jenkins, lui, remet en question de manière originale la matière en peinture, sujet pourtant abordé tant de fois. Il la transforme en matière sculpturale, s’interrogeant sur le formalisme pictural d’une nouvelle façon. Son idée est née de manière toute simple : alors qu’il était enfant, devant une œuvre peinte, il rêva qu’il entrait dans la peinture et était capable de déambuler parmi les protagonistes de l’œuvre. Sa solution à cette équation fut de sculpter les personnages en matière peinte, composée d’empâtements successifs. En les mettant sur des bases pivotantes, il permet au spectateur de voir tous les aspects et tous les angles de ces objets faits de peinture. De cette manière, il transforme le rôle du spectateur et sa perspective individuelle en l’intégrant dans l’œuvre. Il se dit fortement influencé par le travail de Francisco de Goya et sa manière de rapporter la réalité avec toute la fougue du mouvement, la matière peinte étant entre le volume sculpté et le geste peint. Ses sujets sont autobiographiques et représentent les personnes significatives de sa vie.
Ces deux artistes, avec leur vivacité et leur passion de transmettre, ne donnent qu’un très bref aperçu de ce que les foires d’art de New York donnent à voir. Nous revenons de cette Semaine des arts toujours emplis d’idées et de projets potentiels, reflétant les tendances actuelles du marché de l’art. De notre perspective, ce monde n’est pas idéal, certes, car il est édifié avant tout selon des impératifs de profitabilité; cependant, il nous permet de voir un nombre impressionnant d’œuvres et d’y rencontrer plusieurs intervenants, ce qui contribue à nous donner un arrêt sur image du monde de l’art.
