Je suis devant ma classe, dont l’enseignement habituel a été délaissé depuis si longtemps. Cet automne, je suis plus incertain que jamais, plus appréhensif de tous ces gestes, si familiers pourtant. La discipline est de mise, nous obligeant tous à nous conformer dans un contexte où nos repères ont disparu. Malgré toutes mes craintes, le système tient bon, l’enseignement prend forme.

En cette rentrée mouvementée où tout le monde tente d’assimiler les nouvelles politiques de santé publique, on reprend graduellement pied, heureux d’être enfin dans une classe devant nos élèves, retrouvant un semblant de normalité. L’apprentissage des techniques d’arts plastiques est limité par la distance, par le respect des bulles-classes ; certaines écoles appliquent de manière stricte ce concept imposant aux spécialistes de passer d’une classe à l’autre afin de limiter les déplacements des élèves. Après quelques semaines passées sous ces conditions, nos enseignements s’ajustent ; les travaux portent un peu plus sur la démarche de création que sur l’application de méthodes, car la situation actuelle l’oblige : le cours d’art porte plus sur l’idée que sur la matière et la technique. Afin de dynamiser nos cours, nous osons expérimenter ; parfois nos essais produisent des résultats mitigés, et nous ajustons le tir. La classe devient alors un grand incubateur d’idées dans lequel l’enseignant lance une piste de réflexion et chaque élève apporte son point de vue, contribuant ainsi à l’enrichissement global.

Créations

Étant donné que dans plusieurs écoles le cours de multi-
média reste intact dans sa forme initiale, cela permet de mettre à profit cette ressource technique. N’oublions pas que le terme plastique veut dire forme, et qu’importe que la matière soit réelle ou virtuelle en autant qu’une ressource de mise en forme soit accessible. La collaboration entre les enseignants en arts plastiques et l’enseignant de multimédia peut s’avérer fructueuse puisque les concepts élaborés et développés en classe d’arts peuvent prendre forme en passant par les élèves du multimédia. D’ailleurs, l’an dernier, l’expérience a été tentée à notre école, dans un contexte d’avant pandémie, et celle-ci s’est avérée très bénéfique pour tous. Un deuxième projet a cours dans le contexte actuel ; celui-ci fera éventuellement l’objet d’un autre article.

Par ailleurs, nous discutons souvent des bons et des mauvais coups avec nos collègues, qui sont tout aussi affectés par cette situation. Nous tentons tous d’offrir le même service de qualité à nos élèves, malgré les inconvénients liés à la pandémie. Dans ce contexte, le terme formation continue prend tout son sens. Nous apprenons tout ce que l’on peut quand une situation de crise se présente, tâchant d’en tirer un maximum d’enseignements.

Confinements

Soudainement, un groupe se retrouve confiné. Les quatrième et cinquième secondaire font l’école à distance un jour sur et deux et, encore un changement, c’est au tour des troisième secondaire à alterner : un cours à l’école, un cours à la maison. Les élèves ont tous des ordinateurs avec des systèmes différents, ce qui repousse encore les limites
de l’adaptation des enseignants. Cet état alternatif amène toutefois certaines opportunités : celle d’avoir de facto une classe multimédia, en profitant des logiciels en ligne. Soudain, nos élèves appréhendent des versions diverses de logiciels graphiques dont nous-mêmes ne connaissions pas l’existence : Photopea, FlipAnim, Pixilart, Tinkercad…

Devant cette problématique nouvelle, les élèves arrivent à maîtriser les paradigmes inhérents avec une facilité surprenante. Souvent, certains dépassent nos attentes et – par leurs questions, leurs affirmations et leurs débats – mettent en lumière tel ou tel aspect d’un logiciel, d’un concept. Leur enthousiasme à surmonter ces défis est une inspiration pour nous tous.