Une pollution souriante plus dévastatrice que toutes les autres : en consommant son propre spectacle sur une terre inuite du Grand Nord encore immaculée, le Sud participe goulûment à la dénaturation de tout un écosystème ancestral et détruit sans le remplacer ce qui fait l’objet de sa convoitise. Cette pollution montre que l’interdépendance inégale entre le Sud et le Nord ne se manifeste pas seulement par le pillage des ressources naturelles, mais aussi par la dégradation du mode de vie inuit.

Comme le souligne Sheila Watt-Cloutier dans son récit d’une grande humanité Droit au Froid (2019), si le machiavélique désordre climatique du Sud se déplace dans le Grand Nord, « la maison » dégage quant à elle des odeurs de polluants organiques persistants (POP).

Malheureusement, il n’y a pas que dans la glace fondue, vanité contemporaine qui nous rappelle la fragilité des monstres de glace magnifiés par les peintres du passé, que l’on peut appréhender les bouleversements environnementaux.

Par une activité de mimétisme, les élèves de l’école Iguarsivik, située dans le village de Puvirnituq, sont appelés à observer et à interpréter des œuvres de la collection permanente du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) de manière sensible, pour ensuite transposer l’essence de leurs réflexions par l’entremise d’un nouvel objet artistique.

Trois thématiques émergent : l’importance de la communauté, l’opposition entre modernité et tradition, ainsi que la valorisation des forces personnelles liées au territoire. Le processus de création orienté par ces trois axes donne naissance à des œuvres artistiques qui interpellent le public au sujet des différents enjeux de la crise climatique au Nunavik : brûlage des dépotoirs (pratique pourtant interdite dans le reste de la province du Québec), empoisonnement aux métaux lourds, importation de machines lourdes, suremballage de produits alimentaires importés, cimetière de motoneiges…

Affiche de l’exposition Taima/Tarratuutiq
Haut : Lizzie Amittu, Masque 02 (2023), Acrylique sur masque de carton, 21,7 x 17 x 11 cm, École Iguarsivik, Puvirnituq, Nunavik. Photo : Nathalie Claude.
Bas : Alfred Pellan, Masque 60 (1971), Acrylique sur masque de plastique, 21,7 x 17 x 11 cm, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec (2011.439) © Succession Alfred Pellan / CARCC Ottawa 2023. Photo : MNBAQ

Dix créations collectives sont exposées à l’intérieur de l’école et sur les murs des bâtiments publics du village de Puvirnituq (centre communautaire, hôpital, centre de maternité), sous forme de grands formats photographiques.

L’exposition Taima/Tarratuutiq montre comment les élèves ont utilisé leur créativité pour sensibiliser les communautés du Sud et du Nord aux enjeux environ­nementaux du Nunavik et pour encourager l’action. Aux interprétations que font les élèves des créations des artistes, on ajoute des informations scientifiques afin d’aider les diverses communautés à comprendre les liens entre la science et les arts.

Proposé par le MNBAQ et pensé avec et pour la communauté inuite, le projet Taima/Tarratuutiq (dont le second terme signifie « miroir » en inuktitut) vise à développer le leadership des jeunes Inuits tout en leur offrant une tribune, au Nord comme au Sud, qui leur permet d’inciter leur communauté à réfléchir collectivement à certains enjeux en utilisant l’art comme outil d’engagement.

Une exposition itinérante financée par la Commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq traversera plusieurs villages du Nunavik (Ivujivik, Salluit, Kangiqsualujjuaq, Kuujjuaq) au cours de l’automne 2023. En 2024, en grande première au Sud, le MNBAQ présentera à son tour les créations, ainsi qu’une œuvre immersive sur le thème de l’humain et de l’environnement financée par l’organisme ESUMA.

Taima/Tarratuutiq a été présentée pour la première fois en mai 2023 grâce à la nouvelle Chaire de recherche en économie créative et mieux-être, axe Arts et santé, financée par le Fonds de recherche du Québec — Société et culture (FRQSC), et fera l’objet de deux études, l’une menée par la Chaire et l’autre par le groupe de recherche et réflexion Collections et impératif événementiel / The Convulsive Collections (CIÉCO).

De plus, le projet se retrouvera sur la plateforme numérique L’art dans ma classe (MNBAQ), fréquentée par des milliers d’enseignants canadiens. Les représentantes du projet, Sophie Lessard-Latendresse et Justine Boulanger, donneront conjointement une conférence sur le sujet lors du prochain congrès des arts de l’AQÉSAP, qui aura lieu en novembre 2023 à Québec. 


La mission de l’Association québécoise des enseignantes et enseignants spécialisés en arts plastiques est de promouvoir et de défendre la qualité de l’enseignement des arts, de stimuler la recherche et de favoriser le partage d’expériences pédagogiques.