Au gré de ses excursions, Jean-Louis Émond photographie les lieux qui l’inspirent pour les garder en mémoire. Il se place alors en observateur du monde, en décèle la beauté et, parfois, la reproduit dans des sculptures et des peintures. L’artiste invite ainsi les visiteurs de son exposition Un parcours imprévu à marcher à ses côtés et à découvrir ses travaux récents (2017-2018).

Sans recourir à des mots écrits sur papier ou dits à haute voix, Jean-Louis Émond façonne de ses mains des histoires que racontent, grâce à lui, ses tableaux et ses sculptures. Passionné par la figure humaine, vers laquelle il revient sans relâche, il semble pourtant légèrement, mais résolument, détourner son regard des silhouettes féminines et masculines telles quelles au profit d’Un parcours imprévu, celui que ponctuent les aventures de la vie, que l’on appelle l’existence.

Ses emblématiques sculptures de corps morcelés, qui hantent sa production de bout en bout, sont toujours présentes, mais elles sont accompagnées, cette fois, de représentations mêlant paysages et architectures. Ces motifs inédits évoquent néanmoins un leitmotiv cher à Jean-Louis Émond : le mouvement. Aux côtés de ses personnages démembrés, animés par leurs postures que soulignent de subtils jeux d’ombres et de lumières, les ponts, bancs, empreintes de pas et de pieds qu’il expose, suggèrent un cheminement. On l’associe, bien sûr, au voyage, mais comment ne pas remarquer qu’il rappelle aussi celui de la vie?

L’existence est souvent métaphoriquement comparée à un parcours imprévisible, une route jalonnée d’obstacles, d’étapes inévitables et de moments inattendus. Dans son exposition, Jean-Louis Émond se garde d’évoquer les célèbres âges de la vie, déjà maintes fois représentés par de nombreux artistes – dont l’un des plus fameux demeure certainement Titien avec son Allégorie du temps gouverné par la prudence.

Il préfère porter son attention sur les objets qui servent de passerelle vers des mondes à découvrir. Telle est la fonction, par exemple, des bancs et des meubles si propices pour justifier une pause et réfléchir aux orientations à donner à sa vie. Les moments de doute sont ainsi magistralement campés par Égarement, une sculpture représentant des empreintes de pas tournant en rond ; quant à la solitude qui ponctue toute vie, le tableau-relief Insulaire la matérialise comme un moment inéluctable.

Sans recourir à des mots écrits sur papier ou dits à haute voix, Jean-Louis Émond façonne de ses mains des histoires que racontent, grâce à lui, ses tableaux et ses sculptures.

Un dialogue entre les médiums

En découvrant la production artistique de Jean-Louis Émond, le visiteur est d’abord séduit par ses impressionnantes sculptures métalliques en raison de leur taille et de leur matériau. Souvent imposantes, elles captent l’attention par leur aspect à la fois brut et minutieux, leur monumentalité, l’éclat du métal et la façon dont la lumière semble les transformer et les sublimer. Réalisées à partir de bronze ou d’acier, ces œuvres peuvent exiger jusqu’à une centaine d’heures de travail et, la plupart du temps, représentent des fragments de corps humains. Une dizaine de sculptures de ce genre et autant de tableaux-reliefs sont exposés. Ces derniers sont constitués de pièces d’acier vissées sur des toiles peintes. Tout aussi admirables, ils ont une esthétique plus minimaliste, fondée sur le travail des vides ; ils évoquent principalement des éléments architecturaux et des paysages.

Face à cette apparente dualité entre les médiums et les thèmes abordés, il serait tentant de dissocier les œuvres exposées pour les observer isolément. Ce serait commettre une grande erreur. « Il ne faut pas les séparer, prévient Jean-Louis Émond, elles se parlent, se répondent et racontent ensemble une même histoire. » Il arrive même qu’une œuvre appelle la création d’une autre, comme on peut le soupçonner lorsque l’on compare le tableau- relief du pont Jacques-Cartier, « plus beau pont au monde » (toute exagération mise à part) selon l’artiste, et ses sculptures de piliers. Ce sont, en définitive, ces mélanges qui stimulent l’intérêt de l’exposition et soutiennent le récit du Parcours imprévu qui lui donne son titre perçu comme une invitation au voyage ou comme une invitation à l’introspection.

Notes biographiques 

Bien connu du public montréalais, Jean-Louis Émond a commencé sa carrière il y a plus de trente ans dans cette ville où il est né, a été diplômé en arts plastiques et a enseigné la sculpture à l’École des beaux-arts Saidye Bronfman. D’abord attiré par la peinture, il s’est par la suite tourné vers le travail de la pierre, du bronze et de l’acier, par passion pour la matière dont il aime explorer toutes les ressources.

Jean-Louis Émond Un parcours imprévu
Galerie Blanche, Montréal
Du 26 mai au 13 juin 2018