Dans la très courue semaine des arts de New York, un événement se démarque : le Spring Break Art Show 2018, installé aux 22e et 23e étages d’un immeuble en rénovation de Times Square.

Le Spring Break est un événement alternatif. Il se distingue en ceci que les artistes et commissaires squattent littéralement quelques-uns des immeubles en partie abandonnés de New York. Ils subdivisent les espaces des locaux de manière à constituer des aires d’exposition comparables à celles d’une foire d’art.

Cette façon de faire n’est évidemment pas accidentelle : elle tend à entretenir une synergie entre les commissaires et les artistes. Du point de vue d’un enseignant en arts, cette approche permet de mettre en valeur le cheminement, voire le processus créatif, plutôt que l’objet d’art fini. Ce contrepoint est d’autant plus remarquable que l’on a affaire à une opération de séduction pure, puisque ce sont les productions décidées par les artistes et les choix exercés par les commissaires qui sont mis en lumière. Ce positionnement contraste avec les autres événements de la semaine des arts, où prédominent les transactions (achats et ventes) commerciales.

Quoi qu’il en soit, l’ambiance générale tient de la fête foraine. Aux visiteurs de s’adapter aux espaces exigus et aux problèmes de circulation.

Parmi la multiplicité des propositions, les travaux de deux artistes ont retenu notre attention. De plus, ils nous semblent représentatifs de l’événement.

Jeffrey Beebe. Battle of the Invoked Impossibility (détail) (Creative Directors of the Vast Nonsense), 2013-2014. Commissaire : Carin Bravin

Jeffrey Bebee est né à Indianapolis ; il exerce son art et enseigne à New York. Son œuvre Refractoria témoigne de sa grande maîtrise de l’aquarelle grâce à laquelle il compose un univers qui allie fantaisie pure et récit autobiographique.

Son travail est empreint de l’esthétique des illus­trations scientifiques des années 50 et du style des couvertures de romans de science-fiction rétro. Son œuvre cartographie son monde imaginaire, avec des scènes surréalistes où dialoguent des créatures étranges comme dans une bande dessinée.

L’œuvre Double life de Jonathan Rosen se compose essentiellement de tableaux rétro-éclairés qui inter­agissent avec une application sur tablette où apparaissent des messages provenant des réseaux sociaux en temps réel. De grands titres tels que «I WANT THE TRUTH, I WANT A SECOND LIFE» occupent le centre des images. Cette formulation d’un désir brut, en avant-plan, prend toute la place ; elle exprime l’inassouvissement des désirs et l’insatisfaction qu’engendre l’usage des réseaux sociaux.

En tant qu’enseignant en arts, il est très formateur de visiter des événements comme le Spring Break Art Show, car ils donnent une bonne idée de la complexité du monde des arts. Enfin, l’exploitation de lieux atypiques contribue à considérer diverses perspectives d’expositions susceptibles de plaire aux milieux scolaires.