Le lectorat de Vie des arts s’est prononcé ! Voulant donner l’occasion au public de la revue d’exprimer ses vœux pour le Musée d’art contemporain, Vie des arts a fait circuler un sondage afin de recueillir son opinion. Les réponses ont été compilées au moyen d’un questionnaire en ligne transmis à partir de différents canaux liés à la revue – infolettre, réseaux sociaux, listes d’envoi, courriels aux départements d’histoire de l’art et de muséologie des universités québécoises et aux groupes de recherche qui leur sont associés – et avec le soutien de Nigra Iuventa, du Collectif des commissaires autochtones, du Réseau des centres d’artistes autogérés du Québec et de la Place Ville-Marie, qui ont également diffusé le sondage au sein de leurs propres réseaux. Les réponses obtenues ont été classées par nos soins en grandes thématiques, et Galadriel Avon a été mandatée pour en faire le résumé, et pour aller s’entretenir avec le personnel du MAC afin de lui donner l’occasion de recevoir ces vœux. En voici donc le résultat.


Le sondage mené par Vie des arts auprès de ses lecteur·rice·s en amont du présent numéro poursuit une réflexion transversale à propos de ce que représente le MAC : ses résultats éclairent, par la force des choses, les différents chantiers en cours au musée, voués à être réactualisés au fil du grand processus de transformation amorcé en 2018. Au cœur de cette institution aussi bien qu’autour d’elle, il semble depuis quelques années qu’une dynamique particulière se soit déployée et ait fait émerger un regard critique sur ses valeurs et ses décisions. Ces discussions, qui montrent bien l’importance du MAC pour ses publics, indiquent qu’au terme de la transformation qui s’échelonnera jusqu’en 2028, la population souhaite retrouver son musée entier et en bonne santé, plus foisonnant encore qu’auparavant.

Comme le suggère l’institution, « la réflexion autour de la transformation du MAC s’opère d’un point de vue aussi bien architectural qu’opérationnel et s’inscrit dans un mouvement plus large qui pousse l’ensemble du secteur muséal à réfléchir à son rôle et à la place qu’occupent les musées dans nos vies »1. Sensible aux conversations qui se tiennent actuellement dans l’espace public et médiatique, le MAC en est venu, dans son élan de refonte, à (se) poser des questions et à éclaircir son mandat, en phase avec ce qu’il ambitionne de devenir au sein de la société. Dans ce contexte et par l’entremise de l’initiative de ce sondage, la plateforme de Vie des arts crée des ponts et se veut une tribune pour le corps social qui gravite à la fois autour de la revue et du MAC : si nous avions à imaginer le musée, quels seraient nos besoins, nos désirs ?

LES GRANDS THÈMES DÉGAGÉS

Au terme du sondage intitulé « Faites un vœu pour le MAC ! », soixante et onze réponses ont été collectées. Il est intéressant de noter qu’à part presque égale (±40 %), les répondant·e·s majoritaires s’identifiaient en tant qu’artistes ou bien en tant que professionnel·le·s du milieu des arts. Les autres sondé·e·s se désignaient comme amateur·rice·s d’art (±20 %), collectionneur·euse·s (±11 %) ou encore issu·e·s du public général (±13 %) et autres (±16 %). Le sondage montre bien, avec un taux de réponse tiré à 67 % du public montréalais, que l’institution suscite des réflexions plus nombreuses au sein de la communauté locale.

Colliger ces données a permis à l’équipe de la revue de faire ressortir certains grands thèmes communs à plusieurs des vœux reçus, triés par ordre pondéré d’importance. Parmi ceux-ci figuraient notamment un intérêt pour les questions d’accessibilité et d’inclusivité (23,94 %), pour la promotion des artistes locaux·les (28,17 %), pour les travaux et la réouverture imminente du MAC (18,31 %), pour la vision et le caractère novateur de l’institution (23,94 %) et pour l’aménagement de nouveaux espaces d’échanges (16,9 %), préoccupations exprimées dans une majorité des interventions recueillies. Bien que d’autres thèmes aient été évoqués – notons le retour d’événements marquants (4,23 %) comme la Triennale2, la programmation d’activités régulières (4,23 %) et hors les murs (2,82 %), la gouvernance (5,63 %), le positionnement public et politique (7,04 %), le respect du mandat initial (7,04 %), l’accès à la collection permanente (8,45 %), les nouvelles collaborations avec les universités et les centres d’artistes (5,63 %), les ponts avec l’international (4,23 %) et la promotion des artistes émergent·e·s (11,27 %) –, ce sont les thèmes apparaissant comme les plus récurrents au sein des vœux qui font l’objet du présent article. À partir de cette base, l’intérêt a été de faire dialoguer les perspectives du public et du MAC, l’équipe de l’institution ayant pris connaissance des principaux souhaits exprimés dans le sondage.

UN MAC ANCRÉ DANS LE LOCAL

L’épluchage des données du sondage montre qu’un grand nombre des lecteur·rice·s de Vie des arts souhaiteraient voir le musée s’enraciner davantage dans sa communauté. Parmi les vœux qui évoquent cette ambition, retenons ceux-ci :

Mon vœu pour le MAC est qu’il reflète pleinement notre vitalité artistique et la partage de manière plus inclusive, accessible, bidirectionnelle, chaleureuse et sans prétention.

Le MAC est [l’]un [des principaux] musée[s] d’État consacré aux artistes du Québec, il est donc dans son mandat de les mettre en valeur, de même que la collection. Je rêve d’un musée qui les expose de manière professionnelle, avec des moyens conséquents et dans un lieu à la mesure de ce que l’on voit ailleurs, tant architecturalement que sur le plan de la muséographie et de l’inventivité commissariale.

Je souhaite au MAC de développer un programme curatorial solide qui s’engage activement dans les discours actuels et qui présente des visions, des voix, des idées et des visages plus diversifiés, aussi nouveaux qu’établis, d’ici et d’ailleurs ! Puis de collaborer davantage avec la riche scène de la culture gérée par les centres d’artistes, les espaces indépendants et les universités.

Ensemble, ces vœux dressent un portrait en phase avec les discussions dont on a pu être témoins ces dernières années : un MAC proche de ses communautés, qui recherche une forme d’accessibilité dans ses contenus et propositions et qui imagine de nouvelles collaborations porteuses avec les organismes artistiques œuvrant au Québec. L’un des vœux les plus saillants est sans doute ce désir de voir apparaître un réel soutien du musée à l’égard de la communauté artistique locale.

Le MAC, quant à lui, semble sensible à ces enjeux et dispose déjà, notamment dans son plan stratégique, de propositions visant à améliorer ses pratiques. Lorsque nous l’avons contacté, le musée soulignait que « [l]e MAC transformé continuera[it] d’accorder une forte présence aux pratiques d’artistes québécois·e·s en dialogue avec les pratiques les plus pertinentes de la scène internationale ». Il ajoutait : « Nos programmes chercheront à explorer comment l’art québécois trouve écho dans l’art dit “international” et inversement, comment l’art international et les idées qui l’animent nous permettent de comprendre différemment ce qui se passe localement. » Par ailleurs, l’institution précisait ceci : « Que ce soit par le biais de parcours audiodécrits ou des programmes cocréés avec différentes communautés, nous nous sommes engagé·e·s dans une approche qui favorise le rayonnement d’un MAC audacieux, accessible et inclusif. […] Ces actions sont menées en veillant à ce que nous apprenions et écoutions en continu nos publics, nos partenaires et nos communautés. »

Musée d’art contemporain de Montréal, Place des arts (2024). Photo : Noire Mouliom

UN NOUVEAU LIEU AXÉ SUR LES ÉCHANGES

Générer des dialogues inédits à partir du futur lieu transformé du MAC est une volonté qui habite l’équipe actuelle du musée et rencontre certaines des préoccupations du public en plus de rejoindre les vœux du lectorat de Vie des arts.

L’institution explique : « Nos nouveaux espaces ont été réfléchis pour permettre à nos communautés de se réunir, d’échanger et de flâner. L’équipe de la conservation, en plein renouveau, entame actuellement des dialogues, des visites d’expositions et d’ateliers. C’est avec un regard neuf et un esprit collaboratif qu’elle prépare l’éventuel cycle d’expositions qui inaugurera le MAC transformé. Dans ce sens, nous révisons la typologie des expositions qui pourra orienter nos recherches et prospections. »

Espérant que le nouveau site soit un « lieu vital de dialogue, de réflexion et de connexion », le MAC envisage la construction de « [p]lusieurs nouveaux espaces, tels qu’un café-librairie, une terrasse-jardin, un atrium avec gradins, des ateliers de création, une médiathèque complètement repensée, ainsi que des salles d’exposition mieux adaptées à une multitude de modes d’expression [qui] permettront de bonifier l’expérience des visiteur·euse·s et [qui] seront autant d’occasions de susciter des échanges enrichissants entre, et avec, [ses] publics ».

Ces propositions du musée font écho aux désirs du public de revenir à l’essentiel de sa rencontre avec l’art dans un lieu articulé autour d’une expérience forte pour les visiteur·euse·s. Par sa maquette visionnaire, l’institution semble répondre directement au public appelant de ses vœux, le plus simplement du monde, un lieu pour le Musée.

MISE EN DIALOGUE

L’idée de créer du maillage et d’éclairer des passages entre les pratiques d’ici et d’ailleurs paraît constituer un chantier important dans la refonte du MAC, soucieux de conserver et de reconquérir son public local. Il semble qu’il cherche à s’engager dans l’élaboration et la redéfinition d’un rapport avec non pas sa communauté, mais plutôt ses communautés : la cocréation et la collaboration, notamment, sont des modèles qui pourraient marquer un renouveau dans son identité, en diversifiant et rendant inclusives ses pratiques. Enfin, la création d’un nouveau lieu qui pourrait refléter l’intention du MAC de générer des rencontres entre les humain·e·s qui le fréquentent semble promettre un avenir axé sur l’échange, l’ouverture et la transparence.

En somme, si le sondage met en lumière certaines préoccupations par le biais de vœux formulés à la positive, il rend bien compte du souci réel que se fait la communauté artistique locale pour son Musée d’art contemporain. Rejoignant certains éléments des discussions portées à l’attention des médias dernièrement, le sondage cherche à mettre en dialogue des postures diverses en recoupant des vœux partagés et en confrontant les ressentis du personnel du MAC et ceux des répondant·e·s. Touché·e·s par leur lecture, les membres de l’équipe du musée saluent au passage cette occasion, justement, de rencontre et de connectivité que l’initiative de Vie des arts leur a offerte. Bien que le sondage ne prétende pas à la représentativité exhaustive des points de vue en jeu dans ce dossier, la revue souhaite, à l’instar de ces vœux de bonne fortune et de ces sous lancés dans la fontaine, donner la parole à ses répondant·e·s – et ces dernier·ère·s que le chantier du MAC nous réserve de nouvelles découvertes et réalise les espoirs de son public impatient de le retrouver. 

1 Cette citation du MAC, comme toutes les autres qui suivront dans ce texte, est issue d’entrevues écrites menées par l’autrice avec l’équipe de l’institution, dont la parole a été portée par son directeur général et conservateur en chef John Zeppetelli.

2 Événements organisés par le MAC, les Triennales d’art contemporain québécois ont connu deux éditions, la première en 2008 et la seconde en 2011.