La Galerie Antoine Ertaskiran s’est installée dans un ancien entrepôt de métallurgie reconverti en galerie d’art contemporain présentant des œuvres d’artistes québécois et canadiens pour la plupart. La voilà donc, depuis septembre 2012, au cœur de Griffintown, où elle a pignon sur rue. L’espace offert a l’élégance du dépouillement, murs blancs et plafonds hauts. Composé d’une première salle qui donne à voir les œuvres dès la porte d’entrée franchie et d’une seconde, plus intime, le lieu est moins grand en taille que ne l’est l’ambition de son propriétaire. Lequel se plaît à dire en entrevue qu’il veut avant tout un espace pour que chacune et chacun puissent y « faire son œil ». Ce qui tombe bien d’ailleurs, puisque le quartier ne cesse d’être valorisé et qu’à présent les badauds et les chalands y viennent de plus en plus nombreux.

Le défi consiste, pour la jeune galerie, à pérenniser un succès qui fut tout de suite au rendez-vous. Mais même Rome ne se construisit pas en un jour, avec une seule personne et sans projet : avant d’établir une liste où se côtoient Dominique Blain et Aude Moreau, Barbara Steinman et Martin Golland, Michael A. Robinson et Jeanie Riddle, il y eut un travail de longue haleine pour celui qui fut durant quinze ans marchand et consultant spécialisé en art moderne et contemporain. Antoine Ertaskiran a donc choisi aujourd’hui de miser sur 14 artistes dont il assure la promotion au Québec et à l’étranger, principalement sur le marché européen et nord-américain. D’où la présence de la Galerie dans les foires internationales, celle de Toronto en octobre, avec Luce Meunier, Ken Nicol et Jacynthe Carrier ou celle de Miami Beach, UNTITLED, début décembre, avec Andrea Sala.

Dans un souci de lisibilité, la Galerie Antoine Ertaskiran a opté pour une ligne claire : des artistes émergents et reconnus de la scène montréalaise, canadienne et internationale attestant, au-delà de leur signature, un engagement sociétal. Il convient néanmoins d’être prudent lorsqu’on parle d’engagement. De l’aveu du galeriste, ses choix d’artistes sont guidés par la réflexion qu’ils suscitent. Quant à Anne Roger, la directrice des expositions, elle se défend de voir en l’engagement une spécialité de la Galerie ; elle préfère, lorsqu’on aborde le sujet, mettre l’accent sur la part conceptuelle et esthétique des œuvres exposées. Ainsi, elle souligne la qualité de la peinture d’un Kim Dorland ou d’une Luce Meunier.

Il n’en demeure pas moins que, pour l’ensemble des artistes représentés, le langage plastique et graphique rend visible un fin travail sur la mémoire, voire un maillage de souvenirs personnels et historiques reliés au savoir du monde. Ils ont les oreilles grandes ouvertes à l’actuel, aux bruissements ou aux bombardements, au plaisir et à la douleur, aux nouvelles possibilités virtuelles pour dire le monde sans le trahir. C’est donc la saillance de la mémoire qui semble ici pertinente. Cela apparaît nettement dans la programmation de la Galerie Antoine Ertaskiran, de La banque du Soleil de Mathieu Beauséjour, qui a laissé place en octobre à Hope Springs Eternal II de Jon Rafman, à la prochaine exposition de Juan Ortiz-Apuy en janvier 2015.

GALERIE ANTOINE ERTASKIRAN, Montréal
Artistes représentés : Mathieu Beauséjour, Dominique Blain, Jacynthe Carrier, Kim Dorland, Martin Golland, Luce Meunier, Aude Moreau, Ken Nicol, Juan Ortiz-Apuy, Jon Rafman, Jeanie Riddle, Michael A. Robinson, Andrea Sala, Barbara Steinman