Récit : Louise Boisclair
Au printemps 2018, Louise Boisclair, poète, essayiste et critique d’art, faisait partie de la résidence d’artistes destinée aux auteurs à Est-Nord-Est, Saint-Jean-Port-Joli. Incursion dans son processus créatif de recherche et d’écriture.
« Le livret Les mots du milieu a fait l’objet d’une lecture-performance au Cercle Hirsute à Montréal en février 2019, lecture publique que je n’avais pu effectuer en juillet 2018 à Saint-Jean-Port-Joli. J’ai ensuite invité l’artiste et animatrice du Cercle, Camille Havas, à réaliser la mise en page. Ce petit livret présente dix fragments provenant de nombreuses pages écrites en résidence. Il y a eu d’autres résultats moins tangibles de mon immersion dans ce merveilleux village du Bas-du-Fleuve, par exemple la reconnexion avec la nature et le milieu d’artistes. »
« Je consacrais seize heures par jour, six jours par semaine, à mon projet, dont le thème était le “milieu”. Une telle intensité alimente les forces qui favorisent l’expression des idées, l’émergence de la substance, l’immersion dans un lieu et un milieu à haut voltage énergétique. Être entourée par la nature, voir, sentir, toucher et entendre tout, avec plus d’acuité et de variété qu’à la ville. Rencontrer des artistes et des auteurs qui gravitent dans ce paysage à longueur d’année. Se promener à vélo, pratiquer le tai chi en plein air, dessiner un mandala… Ces éléments sont devenus mes conditions de mise en écriture. Toutes les activités se sont reliées dans un enchaînement fluide. Nos présentations publiques, la semaine de notre arrivée, nous ont permis de partager nos projets et d’échanger avec les habitués du centre. »
« Ces échanges m’ont permis de forger un nouvel alliage de mots autour d’une palette d’œuvres qui s’est révélée avec l’exposition Voir Loin du Centre d’art de Kamouraska et les artistes qui y ont participé. Dans cet incubateur, j’ai vécu étroitement le “milieu”, au sens du géographe Augustin Berque (2011), et la “médiance”, définie par Tetsurō Watsuji (1935), comme le moment dynamique entre les personnes et les choses. J’ai revisité les mots, en effectuant des recherches lexicales, pour mieux rendre les forces, les qualités et les intensités de cette immersion en pleine nature, devenant l’œuvre ultime. »
« Deux fragments du livret en témoignent principalement, où le flot discursif transmet le flot climatique du Bas-du-Fleuve. Les huit autres fragments traitent d’enjeux plus globaux (planète, terre, eau, etc.). Au bout du compte, c’est le supplément d’âme qui émane du milieu qu’il importe de distiller dans le texte : même si les exercices lexicaux et stylistiques sont utiles, ils ne sont pas suffisants. »
« Je dirais que l’influence principale pendant ma résidence a été le fleuve, que j’ai fréquenté dans tous ses états. C’est formidable de pouvoir se ressourcer près d’un tel plan d’eau, énergisant et inspirant. »
« Les impacts de la résidence sont évolutifs. Durant les quelques mois qui ont suivi, j’ai ressenti l’intensité diminuer. D’une certaine manière, ma résidence d’un mois demeure inachevée vu l’ampleur de sa mission. Je dirais que l’impact principal a été l’influence incroyable du mouvement de la nature et du milieu sur le mouvement de l’écriture. À plusieurs instants, l’écriture et la nature, ou le milieu et moi, avons fait corps. J’espère poursuivre cette immersion entre nature et écriture, milieu et création. »
EST-NORD-EST, résidences d’artistes
Basé à Saint-Jean-Port-Joli, le centre d’artistes voué aux résidences a été fondé en 1992 pour faire suite à l’impulsion de Pierre Bourgault, Roberto Pellegrinuzzi et Michel Saulnier qui, quelques années auparavant, venaient se ressourcer et créer dans les Studios d’été. Voulant offrir un service de soutien aux artistes lors de la production en atelier, Est-Nord-Est a depuis accueilli plus de trois cents résidents, artistes et auteurs confondus.