Beaucoup d’éléments dans l’art invoquent l’immatériel de notre culture : on remarque chez les artistes un désir de revenir aux fondements d’un esprit créatif qui absorberait ce qui, de notre société, est évanescent et pourtant porteur de significations fortes. Cet aspect holistique nous invite à reconnaître la vitalité des relations humaines comme potentialité collective de l’art.

Pour ce numéro d’automne, nous avons préparé deux « Portraits » d’artistes qui ciblent le rôle de la réciprocité, qu’il est nécessaire de cultiver pour rendre la création fertile. Avec arkadi lavoie lachapelle, rencontré·e dans l’atelier qu’iel occupe dans le centre d’arts visuels autogéré Gham & Dafe, nous plongeons dans un univers lié au soin de l’âme et du corps. La bâche entrouverte, en couverture du numéro, nous fait entrer dans les pages comme dans son atelier, témoin de l’ensemble de son parcours, orienté désormais vers la guérison. Chez Outre-vie/Afterlife, collectif composé de treize photographes, c’est l’univers de la salle à manger qui nous attend. Lieu par excellence des réunions familiales ou amicales, cette pièce est un espace emblématique des rencontres du collectif, un lieu qu’elles et ils investissent pour partager leurs œuvres axées sur la mémoire de l’image, sur son au-delà.


Pour le « Dossier », nous avons creusé l’aspect relationnel de la création : des réseaux familiaux, des réunions d’ami·e·s ou de mentorat, des correspondances, des objets et des archives qui passent d’une main à une autre, des lettres et des croquis envoyés par la poste… tous ces éléments qui pourraient sembler épars incubent une vision artistique pour qu’elle soit confrontée, dans son bouillonnement, à celles des autres. L’immatériel de l’art se chérie en soi, et surtout en partage. Plusieurs points ciblés dans les « Visites » abordent cette idée d’art comme incubateur culturel et humain. À partir de l’exposition de Judith Bellavance à Espaces F, Geneviève Thibault soulève l’importance du rituel pour l’artiste, laquelle s’attache « à conserver, à soigner et à exposer la perte ». Concernant l’exposition du Club Ami à la Maison de la culture Côte-des-Neiges, Alexandre Piral et AM Trépanier reviennent sur les potentialités d’une pratique brute de l’art qui offrirait un espace à l’énergie du faire-ensemble. Avec la cellule Ælab, dont Marie Perrault explore l’exposition-laboratoire à la Fondation Grantham, l’œuvre se fait un pont entre divers champs de recherche scientifiques comme artistiques. De ce désir de croiser les perspectives, l’autrice retient une méthode vivante pour analyser des données provenant des arbres. Les interrelations entre la nature et la culture sont abordées dans l’« Essai » de Catherine Barnabé en tant que « pratique de l’attention », à laquelle elle recourt comme méthode de commissariat. Elle lui sert d’outil pour appréhender les savoirs que portent les paysages et qui peuvent se manifester à nous si nous leur portons en retour une attention adéquate. Les œuvres que l’autrice mentionne sont aussi des empreintes physiques, des oscillations et des vibrations du territoire.


Considérer les codes et les relations qui fécondent la signification d’une œuvre favorise une transmission saine entre cultures. Dans la rubrique « Perspectives », deux pédagogues partagent leur vision sur des enjeux complexes : prenant pour référence l’enseignement des arts au secondaire, elles invitent les enseignant·e·s à « éviter d’éviter » certains sujets en classe par peur de l’appropriation culturelle. Pour ce faire, elles préconisent l’importance de s’outiller afin de transmettre ce qui, de l’œuvre ou de la technique, relève de codes culturels nuancés. Enfin, retrouvez aussi la chronique de l’AQÉSAP, ainsi que la suite de nos rubriques « Visites » et « Lectures », dans lesquelles nous revenons sur les expositions récentes de Mathieu Lacroix, de Surabhi Ghosh, d’Élise Lafontaine, de Marie-Jeanne Musiol, d’Annie Thibault et du Recoil Performance Group, ainsi que sur des ouvrages portant sur l’œuvre de Lorraine Simms, sur l’histoire des NFT, et sur le catalogue d’exposition As We Rise, au sujet de la collection Wedge du philanthrope et collectionneur Kenneth Montague.

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