CLÉS EN MAIN – Philippe Denis
From 6 Aug. 2022 to 3 Sep. 2022
10 h à 17 h
Atoll | art actuel
17 rue Desforges, Victoriaville
Les conséquences des difficultés d’accès au logement et à la propriété se font de plus en plus sentir au Québec. Ce que plusieurs appellent « la crise du logement » touche une importante partie des ménages québécois, et est symptomatique d’un système politique défaillant. Dans ce contexte, Philippe Denis aborde un sujet d’actualité – celui de l’habitation – mettant en exergue les enjeux sociaux et identitaires propres au besoin de se loger. Par une approche à la fois ludique et immersive, Clés en main invite à la réflexion concernant la construction de nos espaces domiciliaires et sur les savoir-faire techniques nécessaires pour les bâtir, les entretenir et les transformer.
Inspirées par la culture du DIY (do it yourself ou fais-le toi-même, en français) et par le principe de l’autosuffisance manuelle, l’exposition célèbre la débrouillardise et le savoir-faire de ceux et celles qui bricolent, qui patentent et qui réparent. Lui-même menuisier de profession, Denis propose un imaginaire de la construction à échelle humaine, là où l’ouvrage est brut, imparfait, accessible, mais surtout voué à l’usure et à l’entretien. Bien loin du rêve des infrastructures de luxe immuables, ses installations exhibent le choix de matériaux modestes et d’outils manuels simples – qui sont, d’ailleurs, tous décrits par leur nom populaire : veneer, gypse, plexiglas, varlope, etc. Ainsi, les œuvres désamorcent la portée des inégalités de ressources, de moyens et d’expertises lorsque vient le temps de bâtir ou d’entretenir son logis, participant à une forme de démocratisation des savoirs de la construction et de la rénovation.
Le processus de création de l’artiste a été marqué par l’acquisition d’une série encyclopédique du Mécanique populaire, une revue américaine des années 1940 qui contient une section « pour le bricoleur » comprenant des plans, des conseils et des instructions pour diverses applications ménagères, de loisir et de rénovations. De ce périodique à grand tirage – dont quelques exemplaires sont consultables en galerie – Denis tire des images, des croquis et des instructions qu’il présente hors de leur contexte utilitaire d’origine. Il nous propose ainsi une interprétation imagée, poétique et parfois empreinte d’absurdité sur la culture du bidouillage et sur l’héritage des connaissances manuelles.
Avec cette exposition, il propose également une habile mise en parallèle entre l’ouvrage des artistes et celui des patenteux et patenteuses. La documentation photographique de son quotidien de menuisier révèle la continuité qui existe entre les prouesses techniques réalisées en chantier et en ateliers. D’ailleurs, l’artiste fait usage d’un procédé traditionnellement reconnu pour sa grande difficulté et sa noblesse : celui de la peinture à l’huile. Les éléments sculpturaux réalisés avec des matériaux de construction frustes et les images minutieusement peintes à l’huile se côtoient et révèlent la disparité qui existe entre la reconnaissance des savoir-faire dits populaires ou banaux, et ceux qui sont jugés comme étant exceptionnels ou de nature artistique.
Le va-et-vient entre conceptions picturales et sculpturales se joue de la notion d’échelle et nous transporte dans un monde de l’habitation qui navigue à la limite entre le réel et l’imaginaire. Arriverons-nous à nous y laisser porter et à poser un regard nouveau sur ces espaces domiciliaires qui caractérisent notre quotidien ?