Bradley Ertaskiran est ravie d’accueillir Gaps, holes, fissures, and frictions, une exposition individuelle de Dawit L. Petros, dont le travail est présenté pour la première fois en soloà la galerie. L’artiste y poursuit ses recherches concernant les historicités africaines en lien avec des notions de mobilité, de colonisation et de récits migratoires contemporains. L’artiste s’était précédemment penché sur les limites de la connaissance occidentale en matière de flux transfrontaliers et de diasporas au sein du continent africain. Cette nouvelle constellation d’œuvres analyse les lacunes historiques qui caractérisent la mémoire européenne et souligne la triangulation du colonialisme, de l’immigration et de l’émigration à travers une lecture du passé et du présent de l’Italie, de la corne de l’Afrique et de l’Amérique du Nord. Gaps, holes, fissures, and frictions met l’emphase sur les modèles construits, tels que l’architecture, les industries et les infrastructures, ainsi que sur les questions de main d’œuvre qui y sont reliées. L’exposition examine également le rôle central des expériences et technologies aéronautiques – à la fois civiles et militaires – dans la formation et la représentation de l’Afrique de l’Est italienne.

En 1933, Italo Balbo, ministre de l’armée de l’air de Benito Mussolini, a dirigé un vol transatlantique de 24 hydravions provenant d’Orbetello en Italie à destination de Chicago dans l’Illinois aux États-Unis, afin d’y souligner la participation de l’Italie à l’exposition universelle A Century of Progress. L’escadron est arrivé au Canada dans la baie de Shediac au Nouveau-Brunswick et à Longueuil au Québec en juillet 1933. Ces deux lieux constituaient des étapes essentielles des vols à destination et en provenance de Chicago. Par conséquent, les traces du fascisme et de son entreprise coloniale marquent de manière indélébile l’environnement physique et historique du Canada. Ce vol a été célébré comme un exploit technologique et un symbole de progrès. Par la suite, le médium de l’avion a joué un rôle important dans le renforcement de l’Italie en Europe et dans la rationalisation de son argumentaire en faveur d’une domination coloniale en Afrique de l’Est, y compris celle du pays natal de Petros, l’Érythrée. Ainsi, la technologie influence à la fois les événements et leurs représentations sociales et, en conséquence, la formulation d’idéologies et la production d’identités. Ces moyens technologiques permettent de comprendre la manière dont l’Italie a construit une représentation des sujets de son empire en tant qu’êtres statiques, muets et invisibles. C’est ici que prend forme l’exposition, qui explore comment la sphère visuelle et représentationnelle a façonné des idées spécifiques et figées dans le temps des Africains de l’Est. Ces idées continuent d’affecter les réalités matérielles des sociétés provenant d’anciennes colonies et de leurs diasporas globales, dont un nombre considérable d’Africains Canadiens.

Les œuvres et les processus multiscalaires déployés au sein de l’exposition comprennent des images, des sérigraphies et des objets. Des photographies performatives sensibles aux lieux donnent à voir des personnages situés dans des paysages emblématiques du Québec. Des images composées sur toile et papier réimaginent le langage de la production culturelle coloniale : journaux historiques, archives, affiches, manuels aéronautiques, cartes postales et cartes. Le langage est ainsi transformé en objets physiques qui occupent l’espace corporel. Le langage esthétique reflète de cette manière le temps historique de l’empire dont il est ici question, tout en faisant affleurer toutes les inconnues clandestines qui marquent la compréhension dominante de l’histoire.

Dawit L. Petros, né en Érythrée, vit et travaille à Montréal et à Chicago. Il détient une maîtrise en arts visuels de l’école du musée des beaux-arts à Tufts University, Boston, un baccalauréat en photographie de l’Université Concordia, Montréal, ainsi qu’un baccalauréat en histoire de l’Université de Saskatchewan. Petros a récemment exposé à l’University of Buffalo Art Galleries, Buffalo (2020), The Power Plant, Toronto (2020), au Musée d’art contemporain de Chicago, Chicago (2020), à Oslo Kunstforening, Oslo (2020), lors de la 13e Havana Biennial, Matanzas (2019), au Huis Marseille Museum for Photography, Amsterdam (2018) et au Musée des beaux-arts de la Nouvelles-Orléans, Nouvelle-Orléans (2017). L’excellence de son travail a été souligné par de nombreuses distinctions, notamment par une bourse d’études indépendantes remis par le Whitney Museum of American Art, ainsi qu’une résidence d’artiste au Studio Museum in Harlem, New York. En 2021, l’artiste a été nominé à la Scotiabank Photography Award et a remporté le Prix du duc et de la duchesse d’York en photographie du Conseil des arts du Canada.