Bradley Ertaskiran a le plaisir de présenter There There, une exposition individuelle de Janet Werner. Dans ce nouveau corpus d’œuvres, la figure féminine est toujours largement présente, tout en étant de plus en plus divisée par des coupures et des plis nets. Celle-ci émerge d’une palette de couleurs vibrantes, grâce à laquelle l’artiste continue de mettre l’emphase sur la mise en abyme avec une énergie et une vivacité renouvelées. Dans There There, les personnages disputent leur place aux paysages minutieux, aux natures mortes, aux salons, aux chambres à coucher, aux plages et aux formes brisées; ces personnages finissent souvent par devenir une surface d’intervention picturale comme une autre. Dans certaines œuvres telles que Suite, la figure féminine est reproduite, retournée, coupée et partiellement collée sur une autre strate. D’un rouge cramoisi profond, sa chaussure, son genou, son bras, sont dédoublés alors qu’un petit portrait dans le coin supérieur gauche contemple la scène. There there constitue un palais des glaces.

Quelle que soit la complexité des images, de la scène, des coupures, du rendu, de la multiplication des figures en deux ou trois, les œuvres de Werner ne peuvent qu’envoûter. Prenant toutes les formes et dimensions possibles, ses personnages conservent leur magnétisme inéluctable. Il en est inévitablement ainsi : les sources d’inspiration de Werner n’ont pas changé, l’artiste continue d’extraire ses images de magazines de mode et de publicité et ce, de manière obsessionnelle, implacable. Cependant, alors que depuis 25 ans, l’artiste exagère, allonge, met en pièces, retourne, plie, efface la figure, allant jusqu’à presque entièrement la supprimer, ici elle lui restitue sa forme maximale. La figure est toujours la muse, le déclencheur, prête et dans l’expectative, au potentiel d’expression infini.

« Les peintures dans ce corpus d’œuvres sont construites à partir de collages dans lesquels deux ou plusieurs images de différentes sources sont « raccordées » – a there and a there – pour ne former qu’une image. Le titre de l’exposition fait référence à Gertrude Stein, une de mes héroïnes personnelles dont l’écriture non conventionnelle fait appel à la répétition pour créer une emphase émotionnelle et de multiples significations nuancées. There is no there there (il n’y a pas de là-bas là-bas) est une citation de l’ouvrage de Stein, Everybody’s Autobiography, (Random House 1937), dans lequel elle se souvient revenir à sa maison d’enfance, une ferme à Oakland en Californie. Cependant, arrivée sur les lieux, elle constate que la ferme n’est plus là, ayant été remplacée par une rue de la ville. Dans les peintures, l’idée de glissement entre les lieux et l’impression d’une transformation abrupte ou d’un changement graduel fait écho aux limbes dans lesquelles nous nous trouvons en ce moment, la pandémie provoquant une réflexion sur un monde disparu et le sentiment d’être dans un entre-deux. There, there est aussi une expression en anglais, peu courante aujourd’hui, qu’on utilise pour réconforter ou apaiser quelqu’un, une tentative pour rassurer et calmer. »

– Janet Werner

Janet Werner (n. 1959, Winnipeg, Manitoba) vit et travaille à Montréal, Québec. Elle détient une maîtrise en beaux-arts de la Yale University (New Haven).  L’artiste a présenté plusieurs expositions personnelles, notamment au Musée d’art contemporain de Montréal (Montréal), Art Gallery of Guelph (Guelph), Anat Ebgi (Los Angeles), Whatiftheworld Gallery (Cape Town) et Plug In ICA (Winnipeg). Elle a participé à de nombreuses expositions collectives, telles qu’à AXENEO7 (Gatineau), MASS MoCA (North Adams) et Arsenal contemporary (New York). Une exposition itinérante, organisée par la Kenderdine Art Gallery de l’Université de Saskatchewan, a circulé dans cinq lieux d’exposition au Canada incluant la Esker Foundation (Calgary) et Galerie de l’UQAM (Montréal). Les œuvre de Werner se trouvent  dans d’importantes collections institutionnelles telles que celles du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée des beaux-arts de l’Ontario (Toronto), de l’Ambassade canadienne à Berlin, de l’University of Lethbridge (Alberta), du Winnipeg Art Gallery, du Mendel Art Gallery, ainsi que dans de nombreuses collections corporatives et privées.