Foire en art actuel de Québec (FAAQ) et la foire Papier font partie des grandes manifestations d’arts visuels à vocation commerciale organisées au Québec pour promouvoir les pratiques artistiques contemporaines. Quels sont leur rôle et leurs défis ? Comment s’inscrivent-elles dans les marchés québécois et canadien ? J’interroge Florence-Agathe Dubé-Moreau, commissaire invitée pour l’édition 2019 de la FAAQ, et Julie Lacroix, directrice générale de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC), à l’origine de la foire Papier.

CL (Charlotte Lheureux) : Pourriez-vous commencer par nous présenter l’AGAC ?

JL (Julie Lacroix) : L’AGAC est un organisme à but non lucratif qui regroupait au départ des galeries implantées uniquement à Montréal. Aujourd’hui, c’est une association nationale qui mène diverses initi­atives selon les besoins et les intérêts de ses membres, avec l’objectif de stimuler le marché de l’art contemporain et l’émergence de nouveaux collectionneurs. La foire Papier est notre projet phare depuis sa création en 2007, celui qui génère le plus de résultats et dans lequel nous mettons le plus d’énergie.

CL : On annonce justement plusieurs nouveautés pour cette 12e édition de Papier. Quelles sont-elles ?

JL : La foire rassemble cette année quarante-six kiosques, dont trois consacrés à des galeries alternatives. (Pour rappel, nous avons commencé à très petite échelle dans le centre commercial Westmount Square !) En plus, nous présenterons quatre projets spéciaux, dont la moitié s’ouvrent au numérique, grâce à la collaboration d’Ubisoft. Une autre nouveauté : nous sortons du plan traditionnel en grille pour un plan éclaté en îlots conçu par Architecturama. Nous pouvons nous permettre cette configuration grâce à notre nouveau lieu, le Grand Quai du Port de Montréal. Par rapport à l’année dernière, nous doublons la superficie tout en augmentant légèrement le nombre de galeries, pour offrir un espace confortable et dynamique aux visiteurs.

Vue de l’édition 2018 de la foire Papier
Photo : Jean-Michael Seminaro
Courtoisie de l’AGAC

JL : La foire rassemble cette année quarante-six kiosques, dont trois consacrés à des galeries alternatives. (Pour rappel, nous avons commencé à très petite échelle dans le centre commercial Westmount Square !) En plus, nous présenterons quatre projets spéciaux, dont la moitié s’ouvrent au numérique, grâce à la collaboration d’Ubisoft. Une autre nouveauté : nous sortons du plan traditionnel en grille pour un plan éclaté en îlots conçu par Architecturama. Nous pouvons nous permettre cette configuration grâce à notre nouveau lieu, le Grand Quai du Port de Montréal. Par rapport à l’année dernière, nous doublons la superficie tout en augmentant légèrement le nombre de galeries, pour offrir un espace confortable et dynamique aux visiteurs.

CL : La FAAQ naît en 2013, soit cinq ans après Papier. Est-ce que leurs histoires se rejoignent ?

FD (Florence-Agathe Dubé-Moreau) : La Foire en art actuel de Québec est aussi un organisme à but non lucratif, celui-ci géré par un conseil d’administration exécutif. La FAAQ a été créée par quatre historiennes de l’art dans un grand esprit de communauté entre le réseau des centres d’artistes et les collectionneurs de Québec. Dans le passé, le mandat de commissariat de la foire était confié à un artiste invité ; c’est la première fois cette année qu’il est confié à une commissaire indépendante. Notre petite équipe de cinq personnes reflète l’échelle de la FAAQ, que l’on ne peut pas comparer à celle de Papier. La première motivation de la FAAQ est de stimuler le marché de l’art (c’est là où elle rejoint Papier), en particulier le marché local, celui de Québec. De plus, son format et ses influences se rapprochent beaucoup plus de certaines foires dites « alternatives » ailleurs dans le monde, mais elle se distingue de celles-ci en exposant majoritairement des artistes non représentés en galerie.

CL : Comment s’effectue le choix des exposants dans les deux foires ? Y a-t-il des critères de sélection ?

JL : À Papier, les kiosques sont loués en priorité aux galeries membres de l’AGAC. Les kiosques restants sont attribués à des galeries sélectionnées sur dossier par un jury constitué d’experts. Nous ne faisons pas la distinction entre les jeunes galeries et les plus établies, les petites ou les grandes, nous voulons montrer l’excellence parmi le réseau canadien, rien de moins !

FD : La sélection est ce qui différencie la FAAQ : elle est centrée sur l’idée de commissariat et sur les démarches d’artistes. La FAAQ se distingue de Papier en orientant le choix des œuvres exposées et leur mise en espace en fonction de la vision du commissaire invité. D’une certaine manière, la FAAQ a une nouvelle couleur chaque année grâce à ce modèle unique au Québec ! Parmi les critères qui ont orienté mon commissariat pour cette 6e édition, je soulignerais ceux-ci : une égalité entre les artistes femmes et hommes, une diversité culturelle et une représentativité de différents âges. La ville d’attache des artistes est aussi un critère : nous en retenons un tiers venant direc­tement de la ville de Québec, et nous visons à offrir une visibilité à des artistes en région. Enfin, quatre galeries membres de l’AGAC, dont deux situées à Québec, complètent cette édition en présentant chacune un artiste.

La foire est un outil majeur et essentiel pour stimuler le marché. Au Québec, c’est la face visible de tout un travail de fond en matière de législation, d’éducation et de diffusion.

CL : Comment se jouent les relations entre artistes, galeristes et collectionneurs dans le cadre de la foire, notamment en ce qui concerne les ventes ?

FD : Dès ses débuts, la FAAQ a associé son plan sans kiosque (qui ressemble à une exposition collective) à des médiateurs formés en arts visuels qui vont à la rencontre des visiteurs pour donner de l’information sur les œuvres. Cette caractéristique démontre que la FAAQ se veut d’abord un lieu de rencontre entre les différentes sphères de la scène artistique et le public. En raison de l’accent mis sur les artistes non représentés, elle est également une vitrine favorisant la découverte des pratiques. La FAAQ encourage ces jeunes carrières pour qu’elles intègrent ensuite une galerie par exemple. Évidemment, l’objectif est aussi de concrétiser des ventes au cours de la foire. Celles-ci se font directement avec l’artiste ou le galeriste et avec l’aide des médiateurs. La foire retient un petit pourcentage des recettes, de manière à s’autofinancer et à maintenir l’entrée gratuite pour les visiteurs.

JL : À l’inverse, l’AGAC n’a aucun droit de regard sur les ventes, qui restent l’affaire des galeristes. Mais il y a un parallèle intéressant avec Papier, qui a commencé avec la même volonté de stimuler les premières acquisitions. Nous avons attendu dix ans pour demander un prix d’entrée, et nous travaillons encore très fort pour chercher des partenaires, car leur soutien est crucial pour que les frais de participation restent abordables pour les galeristes.

CL : À ce sujet, comment définiriez-vous le marché de l’art à Montréal et à Québec ?

FD : Les marchés de Montréal et de Québec sont très différents, ne serait-ce qu’en termes d’échelle de population. Un des premiers objectifs de la FAAQ était d’ailleurs de stimuler le marché à Québec et d’élargir son réseau de collectionneurs.

JL : C’est amusant parce que la comparaison est la même entre Montréal et Toronto. Avec ses quarante-six galeries, Papier demeure une petite foire comparativement à Art Toronto ou à la majorité des foires internationales !

CL : Comment définiriez-vous alors le marché québécois vis-à-vis du contexte canadien ?

JL : Au Québec, on a la chance de bénéficier de beaucoup de programmes d’aide pour soutenir la culture. C’est génial évidemment : la culture montréalaise est foisonnante ! Mais le marché reste plutôt modeste. À Toronto, où le marché est plus dynamique, les artistes bénéficient de moins de soutien étatique et n’ont pas d’autre choix que de vendre ! L’achat d’œuvres fait davantage partie des mœurs, comme le mécénat. Y a-t-il une corrélation ? Possible, et cela mériterait une étude. Cela dit, nous poursuivons les efforts et Papier devient petit à petit un rendez-vous pour certains collectionneurs de Toronto, Calgary et Vancouver !

Vue de l’édition 2018 de la Foire en art actuel de Québec
Photo : Audet Photo
Courtoisie de la Foire en art actuel de Québec

CL : Est-ce une mission de la foire que de stimuler le marché ?

FD : La foire est un outil majeur et essentiel pour stimuler le marché. Au Québec, c’est la face visible de tout un travail de fond en matière de législation, d’éducation et de diffusion que mènent des acteurs comme l’AGAC et les galeristes, que ce soit sur les plans municipaux, provinciaux, philanthropiques, ou encore auprès des grandes entreprises. Il s’agit de sensibiliser ces entreprises aux avantages d’avoir une collection, de donner aux curieux la piqûre de l’art. Même chose avec les prix et les galas : ce sont des outils qui peuvent contribuer à accroître la visibilité des arts visuels et à légitimer la collection d’art actuel. Ce qui peut être un fait acquis pour les marchés en Europe ou aux États-Unis, mais une question que le Québec se pose encore : pourquoi collectionner ? Tout simplement pour que les artistes puissent vivre de leur pratique !

CL : Pour finir, quelle est la prochaine étape pour Papier et pour la FAAQ ?

JL : De plus en plus de galeries étrangères nous écrivent pour participer à Papier. Souhaitons-nous devenir une foire internationale ? Est-ce que le marché montréalais est assez solide ? Nous remarquons en tout cas que l’intérêt est de plus en plus grand, et la question sera posée à nos membres.

FD : À une tout autre échelle, la FAAQ vise à offrir ce qu’il y a de mieux pour les artistes et pour le marché de l’art. Cela pourra se traduire par des sélections audacieuses et rigoureuses, et par le développement de programmes éducatifs ou d’initiatives encore plus alternatives, pour renforcer les liens avec le public.

JL : De notre côté, nous souhaitons que Papier soit à l’agenda de tous les professionnels du milieu et des collectionneurs canadiens. Nous voulons augmenter la visibilité sur le monde en invitant encore plus d’experts étrangers, conservateurs de musée et grands collectionneurs privés. Nos marchés ne sont pas les mêmes, mais nous avons une volonté commune de devenir un incontournable, au Canada pour Papier et au Québec pour la FAAQ !


Foire en art actuel de Québec, 2019 
Commissaire : Florence-Agathe Dubé-Moreau
Chapelle des Jésuites, Québec
3 000 pi² + de 20 artistes 4 galeries 2 000 visiteurs attendus
Du 30 mai au 2 juin 2019

Papier
Grand Quai du Port de Montréal 
40 000 pi² + de 400 artistes 46 galeries 12 000 visiteurs attendus
Du 25 au 28 avril 2019