De l’art engagé au Québec
Stéphanie Bertrand, Stéphanie Chabot, Alain Deneault, Maggy Flynn, Romeo Gongora, Félipe Goulet Letarte, Ève Lamoureux, Alain-Martin Richard, Sonia Robertson, Tamar Tembeck et Kathleen Vaughan, De l’art engagé au Québec. Éthique et esthétique de l’utile (Alma/Montréal : Centre SAGAMIE/Centre des arts actuels Skol, 2023), 123 p., ill.
De l’art engagé au Québec. Éthique et esthétique de l’utile est un livre bilingue coédité par le Centre SAGAMIE, recherche et création et le Centre des arts actuels Skol. Il compte 213 pages, dont environ la moitié est constituée de contenu rédigé en français. Sorti en 2023, cet ouvrage portant sur l’art engagé réactualise des considérations issues de cette approche artistique datant du début du XXe siècle à propos de l’engagement en art. Il rassemble une dizaine d’auteur·rice·s notables dans ce domaine et dans celui de la politique, notamment Alain Deneault, Alain-Martin Richard et Ève Lamoureux.
Par sa démarche de réflexion collective, le livre soulève des tensions irrésolues entre l’art et l’engagement, entre l’utilité de l’art et la militance, offrant un éventail d’observations sur le sujet plutôt qu’un plaidoyer unidirectionnel. Pour rendre compte de cette hétérogénéité des approches et des discours, les écrivain·e·s portent leur regard tantôt sur les différents contextes d’actualisation de l’œuvre, tantôt sur son intention critique – voire militante –, son contenu politique ou encore sa forme.
Les textes proposent l’analyse de diverses œuvres engagées dont les objectifs touchent souvent aux notions d’art-thérapie, d’inclusion des diversités, de critique politique ou institutionnelle, de participation politique, ainsi qu’à un désir de plus grande liberté. Parmi les projets auscultés par ces écrivain·e·s, on compte notamment ceux de Kim Waldron, de Chris Lloyd, de Maggy Flynn dans le cadre de l’ATSA, de Romeo Gongora, de Sonia Robertson, de Folie/Culture, du duo Massecar d’Orion, et de bien d’autres encore.
Cette analyse de l’art engagé au Québec met en lumière les spécificités territoriales et politiques de notre province en soulevant des questions telles que l’interculturalité, le racisme systémique, la censure, et notre conception bien occidentale de l’intime et du public. Loin d’offrir une voix monolithique sur les intentions critiques de cette démarche artistique, ce livre explore les différentes approches adoptées par les artistes susmentionné·e·s.
Selon les mots de Stéphanie Chabot, à qui l’on doit la préface, chaque ligne que nous pouvons lire entre les pages de cet ouvrage « porte écho à une variété de points de vue et refuse de “choisir son camp” » (p. 9). De plus, le livre formule des mises en garde et souligne les écueils évitables de l’art engagé, « car une croyance aveugle au bien inhérent de la critique artistique peut produire des effets indésirés et même néfastes » (p. 18). Il émet par ailleurs une critique importante sur la manière dont on considère les étiquettes de « diversité » (Gongora) et de « Première Nation » (Robertson et Goulet Letarte), tout autant que sur la place qu’on leur attribue. Il aboutit ainsi à de multiples avenues réflexives, tant sur le système de l’art que sur l’art en tant que tel, et nous rappelle – dans un contexte post-COVID de crise et de résistance – que « [l]’autodafé est préalable à l’écriture même » (Richard, p. 66).