32e Festival International du film sur l’art. La gestion du succès
Comme l’an dernier, des critiques de Vie des Arts ont commenté à chaud sur le webzine www.viedesarts.com/reportage une dizaine de films projetés sur les écrans du FIFA, offrant ainsi une couverture simultanée de l’événement. Naturellement, leurs comptes rendus peuvent encore être consultés. L’accès au site est gratuit.
Avec 270 films à son programme, la 32e édition du Festival international du film sur l’art a maintenu quantitativement la vitesse de croisière des récentes éditions précédentes. Même si un tel nombre résulte d’une sévère sélection, comme se plaît à le signaler René Rozon, directeur du FIFA, et que, de plus, il couvre tous les arts (danse, théâtre, musique, cinéma, arts visuels, architecture…), il n’en demeure pas moins qu’il exige du public d’être disponible aux heures de projection et, souvent, de rater certaines séances à cause de conflits d’horaire. Il faudrait ajouter encore pour les cinéphiles l’aptitude purement physiologique à absorber beaucoup de films en une dizaine de jours. Certes, il en va ainsi de tous les festivals. Qui se plaindrait de l’abondance ? À ce sujet, justement, il convient de se demander si l’offre n’excéderait pas la demande. Sans doute une part de la solution à cet épineux problème loge-t-elle dans le récent accord signé entre le FIFA et le Musée des beaux-arts de Montréal. En vertu de cette entente, le FIFA sera désormais en résidence permanente dans une des propriétés du Musée (rue Crescent). En échange, son personnel veillera à intégrer des films aux activités du Musée, notamment les expositions et les collections. Il aura à charge la programmation hebdomadaire de films dans l’auditorium du Musée : FIFA + des Écoles, FIFA+ des Familles, Matinées (films primés du Festival) au cours de l’automne. L’occasion serait belle aussi de proposer des films non primés, mais néanmoins dignes d’être présentés hors festival et qui ne font carrière ni en salle ni à la télévision. Il y aurait un public pour ce genre d’initiative.
Comme d’habitude, ce sont les « portraits » qui ont dominé la programmation du FIFA. Ce genre présente l’avantage d’humaniser les disciplines ; il a la faiblesse toutefois de ne pas permettre une distanciation critique qui est donc laissée au jugement du spectateur. Cette année, par exemple, les films qui mettent en vedette des architectes reflètent assez bien cette qualité et ce défaut. Ainsi, sous la forme de quasi-autoportraits montrant Tadao Ando, Jean Nouvel et Lucien Hervé en action, ils ont le mérite de révéler chacun des tempéraments, des caractères, qui se traduisent par d’authentiques styles de construction qui marquent l’espace bâti, voire les rapports humains avec l’environnement paysager et urbain. Il en va ainsi de la vision d’un Tadao Ando (L’architecte du vide et de l’infini) façonnant le béton gris selon des lignes d’une rigoureuse austérité et autorité personnelle qui conduit notamment l’architecte à dissimuler un édifice pour qu’il ne nuise pas à la vue qu’offre le paysage au sein duquel il s’incruste tel un bunker. À l’opposé, dans Jean Nouvel and the Tormented Concerthouse, l’architecte français fait preuve d’une inaltérable jovialité et d’une adaptation rieuse proche de l’improvisation qui débouche sur des dépassements budgétaires pharaoniques que seule la fortune du roi du Danemark finit par combler pour achever la Salle symphonique de Copenhague. Entre ces deux figures, le modeste Lucien Hervé (Lucien Hervé, photographe malgré lui, mention spéciale du jury) répond aux questions qui, sur le mode des retours en arrière, dévoilent sa surprenante carrière de photographe d’architecture lancée grâce à Le Corbusier.
Assurément, le portrait le plus émouvant est celui qu’offre Jill Nichols (Royaume-Uni) avec Vivian Maier : Who Took Nanny’s Pictures ?, film gagnant du Grand Prix. Quelle étrange et belle histoire ! Elle tire son intérêt de l’enquête qui en sous-tend la trame narrative et d’où se profile la silhouette de la photographe inconnue qui, progressivement, sort de l’oubli. Un amateur de photos déniche dans une vente aux enchères un lot de négatifs qu’il acquiert pour 399 $. Miracle : les clichés qu’il développe se révèlent ceux d’une authentique artiste. Qui donc est cette Vivian Maier ? Le portrait qui surgit dégage les traits d’une personne solitaire, effacée, parfois violente, mais animée d’une passion monomaniaque pour saisir, son appareil photo suspendu à son cou, des instants fugaces de la vie américaine et de ses protagonistes de la rue.
Derrière le grand homme, cherchez la femme. C’est la succession de ses amours et de ses liaisons les plus connues qui sert de fil conducteur à Picasso, l’inventaire d’une vie (prix du meilleur portrait) que signe le réalisateur Hugues Nancy (France). L’inventaire des œuvres du maître entreposées dans ses propriétés par l’équipe d’experts dirigée par Maurice Rheims sert bien le prétexte destiné à dresser un portrait de Picasso à travers ses relations familiales. L’image de l’artiste n’est pas toujours élogieuse, car elle est moins celle d’un génie que celle d’un amant, d’un mari, d’un père, d’un grand-père. En somme, le monstre paraît souvent vulnérable et revêt des traits parfois tendres auxquels font écho ses peintures, ses céramiques et ses sculptures.
La belle surprise du 32e FIFA est probablement The New Rijksmuseum 4 (prix du meilleur reportage) de Oeke Hoogendijk (Pays-Bas). Il s’agit du quatrième volet d’une suite de films qui relatent les travaux de rénovation, qui se sont étendus sur 10 ans, du célèbre musée néerlandais. Les spectateurs suivent les émois du directeur et de son équipe à quelques semaines de l’ouverture officielle, au moment où s’accumulent les embûches de toutes sortes : couleurs des murs, protestation des cyclistes… Le musée sera-t-il inauguré à temps ? Les situations sont hilarantes, mais la conclusion vous tire des larmes.
Même s’il n’a pas remporté de prix, L’image en mouvement de Sylvain Roumette (France) mériterait d’être projeté à nouveau lors des Matinées du FIFA, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir l’origine des formes d’installation mobiles et ludiques si courantes aujourd’hui à partir des conceptions des pionniers que sont Vasarely, Julio Le Parc, Jean Tinguely, Jesus Soto, Yaakov Agam et quelques autres.
Une fois encore, le FIFA s’est montré à la hauteur de sa réputation de grand festival international. C’est aujourd’hui une entreprise complexe, qui bénéficie du soutien de nombreux partenaires et d’une diffusion internationale. Organisme indépendant, son association au Musée des beaux-arts de Montréal lui confère désormais une assise solide. Longue vie au FIFA !