Nathalie Fournelle offre l’esquisse dont la légèreté et le caractère enjoué d’un paysage apparemment tranquille voilent à peine le tumulte secret. De son côté, Yvon Colbert présente une interprétation éclatée de son image intérieure qui rallie fantaisie et spontanéité. D’autres enfin éludent leur propre image en la remplaçant par des objets symboliques qui n’en témoignent pas moins de ce qu’ils sont et de ce qu’ils vivent.

Longtemps a-t-on restreint la création artistique à des cadres rigides, sorte de perception étroite issue de la vision que nous pouvons avoir de l’œuvre, mais surtout à la conception que nous nous en faisons. Les choses ont bien changé car à côté d’une création dite traditionnelle, voire académique, on découvre maintenant différentes activités créatrices qui, sans être sanctionnées selon les principes de l’art avec un grand A, n’en recèlent pas moins une valeur esthétique et novatrice indéniable. L’abolition des frontières entre les différentes disciplines et le recours aux possibilités offertes par des techniques informatisées ont élargi sinon bouleversé de fond en comble le langage pictural. On constate simultanément chez l’artiste le passage d’une pratique esthétique gratuite à une création plus concrète et fonctionnelle tels la décoration, le design ou d’autres approches, et ce, sans nier en aucune façon l’intention de départ.

Dans cette perspective, la thérapie par l’art offre un bon exemple de l’application d’un type d’activité dont la fonction se situe à la croisée d’une création authentique et d’une croissance personnelle véritable. Le Centre d’apprentissage parallèle de Montréal (CAP) en offre d’excellents exemples en intervenant auprès de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, éprouvent certaines difficultés d’adaptation sociales et émotives.

À l’occasion de son 25e anniversaire, le CAP a présenté MOI M’AIME, une exposition composée des autoportraits de chacun des participants. Banal en apparence, l’esprit de cette initiative revêt une résonance en ceci que l’engagement émotif des participants passe par une profonde prise de conscience qui met en cause son moi le plus intime. Inversement ou paradoxalement, cet exercice a valeur de projection du moi de l’intérieur vers l’extérieur. La rencontre de cette double trajectoire mobilise alors la force créatrice de l’individu dont l’expression se situe bien loin d’une représentation stéréotypée ou même académique qui cédera ici le pas à un rendu plus émotif, souple et spontané, qui dépasse le simple désir de décrire. Œuvre d’art authentique ou simple moyen d’expression de soi, la thérapie par l’art et l’art tout court se rejoignent pour questionner le mystère même de l’être, de son expression et son devenir.