articule déménage : retour sur l’histoire du centre
Fondé en 1979, le centre d’artistes autogéré articule est un des plus vieux lieux de création pluridisciplinaire consacrés à la recherche et à l’expérimentation artistique à Montréal. Dès son début avec sa vitrine rue de la Montagne, l’organisme à but non lucratif se fait reconnaître pour son avant gardisme et l’implication de ses membres qui veillent à sa survie avec diligence.
Le soutien apporté aux pratiques artistiques en marge du monde de l’art, décrit comme des « démarches autres » par René Viau dans Vie des arts en 1981, lui donne un caractère unique et novateur. Depuis 2006, l’organisme réside dans le Mile-End, au 262 rue Fairmount. Quinze ans plus tard, après avoir vu le quartier se transformer en y contribuant avec une programmation inclusive ancrée dans une communauté multiculturelle, le centre déménage à la Plaza Saint-Hubert. Ce déplacement est prometteur pour la prochaine phase d’articule et nous offre la possibilité de réfléchir sur ses plus récentes réalisations qui continuent de mettre en œuvre son engagement culturel, moral et social.
Les créateurs d’articule s’étaient donné le mandat de promouvoir une galerie où le bilinguisme, la collaboration et la gestion participative seraient au centre de toutes les activités. En plus d’une programmation politisée et critique, l’organisme travaille depuis 2011 à devenir plus inclusif et représentatif de la société lors de l’adhésion de ses membres, avec son personnel et avec sa programmation annuelle. Pendant que d’autres établissements culturels de grande envergure ignoraient encore l’importance d’adresser les problématiques du racisme, articule organisait la première édition de « Montréal Monochrome ? » en 2012, une conférence qui abordait la sous-représentation et l’oppression systémique dans le milieu de l’art contemporain dans la métropole.
En 2018, le centre instaure un cadre de travail intitulé la « Base d’unité : stratégies pour un centre anti-oppressif », qui a pour but d’intégrer des valeurs antiracistes au sein même de l’organisme afin de créer un lieu de travail plus équitable. Toutes les initiatives de la dernière décennie, fruit d’une conscientisation en continu des membres et du personnel, font en sorte que le centre devient une référence pour tout autre organisme culturel cherchant à mieux définir ses positions dans la lutte contre la discrimination et dans l’atteinte d’une meilleure parité.
Toutes les initiatives de la dernière décennie, fruit d’une conscientisation en continu des membres et du personnel, font en sorte que le centre devient une référence pour tout autre organisme culturel cherchant à mieux définir ses positions dans la lutte contre la discrimination et dans l’atteinte d’une meilleure parité.
Durant la dernière année marquée par les bouleversements de la pandémie de COVID-19, Amber Berson, coordonnatrice à la programmation, et son équipe ont repensé le calendrier des expositions tout en maintenant les contrats déjà signés. La vitrine devient un espace où prennent place des installations percutantes comme celles des artistes Swapnaa Tamhane (juin – août 2020), Catherine Feliz (mars – avril 2021) et Kandis Friesen (mai – juin 2021), ou encore, celle du commissaire Ronald Rose-Antoinette (décembre 2020 – janvier 2021). Le centre se tourne aussi vers la communauté locale, proposant des vidéos, des installations, des performances et d’autres types d’événements qui animent le quartier tout en créant une plateforme pour les créateurs émergents d’ici et d’ailleurs. Un programme virtuel simple et convaincant est aussi rendu possible grâce
aux efforts de l’organisme qui s’est muni depuis quelques années des outils nécessaires pour rendre ses contenus accessibles.
Grâce à plusieurs actions, petites et grandes, l’organisme met en œuvre divers plans artistiques, politiques et sociaux. Lors de la résurgence du mouvement Black Lives Matter en juin 2020, le personnel, en accord avec les membres d’articule, rédige une Lettre ouverte aux centres d’artistes du Québec : Au-delà des déclarations de solidarité. Faisant la promotion de « changements organisationnels activement autocritiques et durables » au sein des centres d’artistes autogérés, on demande au monde de l’art d’aller au-delà des simples paroles et de poser des questions révélatrices comme : « Qui fait partie de notre conseil d’administration ? […] Fournissons-nous au personnel et aux membres du conseil d’administration des ressources en matière de santé mentale ? » Plusieurs projets du centre appuient cette prise de position, comme l’organisation en 2020 d’un marathon de traduction et de design graphique pour des ressources antiracistes en collaboration avec Ada X. Plus de cinquante bénévoles ont contribué à la réalisation d’outils sur la lutte contre le racisme dans la communauté francophone de Montréal et du Québec. Soulignons aussi qu’à la suite du démantèlement du campement de sans-abri sur la rue Notre-Dame à l’automne 2020, articule fait un appel de dons à travers ses réseaux sociaux pour offrir un soutien matériel aux sans-logis en soutenant l’organisme communautaire Meals for Milton-Parc et le refuge La Porte Ouverte.
À la Plaza Saint-Hubert, à l’intersection de la rue Beaubien, articule évoluera dans un lieu reflétant ses valeurs fondamentales et opérera une vitrine ayant pignon sur rue dès l’automne 2021. Le changement de quartier offre différents défis, dont une prise de conscience des nouveaux enjeux culturels et sociaux. En favorisant un modèle d’écosystème créatif qui met de l’avant les pratiques artistiques politisées, le dialogue, le réseautage et le développement de la communauté locale, articule demeure une source d’inspiration pour les autres centres d’artistes autogérés et les établissements culturels à travers la province et le Canada.