Combien ça coûte?
Notre périple annuel à New York dans les Art shows sert essentiellement à nous ressourcer et à rapporter à nos élèves des images inspirantes qui servent à élaborer nos différents projets pédagogiques. Nous amorçons nos activités en présentant des œuvres et des artistes en lien avec une thématique de notre choix. Nous lançons ainsi la discussion au sujet du monde de l’art.
Cette étape préliminaire permet de donner libre cours à l’expression d’opinions variées et de réflexions spontanées dans la classe. Nous sommes bien conscients que le thème de la valeur marchande des œuvres d’art est un champ fort complexe. Nous l’avons néanmoins choisi parce qu’il préoccupe nos élèves et, plus largement, la plupart des visiteurs de galeries d’art. Nous avons posé à nos élèves les questions suivantes : Quel est le prix de cette œuvre ? Qu’est-ce qui justifie son prix d’après vous ? Nous ne prétendons évidemment pas avoir les réponses. Au moins pouvons-nous en discuter.
New York attire énormément d’artistes. De nombreuses galeries commercialisent les créations de milliers d’entre eux. Les prix de vente des œuvres s’échelonnent de quelques centaines de dollars à plusieurs millions. Afin de mettre les choses en perspective, il est intéressant de constater que 35% du marché mondial repose seulement sur 10 artistes, ceux qu’on pourrait qualifier de valeurs sûres dont, la plupart du temps, on ne retrouve les œuvres que dans les grandes ventes aux enchères. Le marché que représentent les foires d’art contemporain, bien que plus modeste, n’est pas à négliger. Ventes aux enchères et foires partagent l’objectif de promouvoir les œuvres et les artistes qui voient ainsi leur cote augmenter.
Toutes les foires n’ont pas le même prestige. Si l’on tient compte du nombre de visiteurs, du nombre d’exposants et des revenus déclarés, à New York, le plus que centenaire Armory show est la foire la plus importante. Cependant, selon nous, c’est une des moins intéressantes à cause de son manque d’audace. Son relatif conservatisme assure néanmoins son succès.
De notre côté, nous avons été davantage attirés par des endroits comme la foire Art on Paper et la foire Spring/Break art show où les propositions étaient beaucoup plus surprenantes : leur époustouflante transgression des normes conduit à se demander comment de telles œuvres peuvent être commercialisables. À titre d’exemple, le gigantesque château de papier de Li Hongbo représenté par La Klein Sun Gallery tient davantage de l’installation et se réduit à une stricte expérience esthétique.
À l’autre bout du spectre, la foire Moving Image présente des vidéos et des œuvres ayant des formats visuels nouveaux. À ce titre, le travail de la commissaire Kelani Nichole, de la Transfer Gallery (Brooklyn) questionne l’idée même de la propriété en art. Elle représente l’artiste Lorna Mills dont les œuvres sont des gifs animés, distribués de manière libre, dont seul le propriétaire-acheteur détient l’homologation. L’œuvre ici est sans support déterminé, on n’en connaît pas la propagation ; le travail de la galeriste revient donc à définir ce nouveau marché.
En classe, les réflexions portant sur le contexte associé à la valeur de l’œuvre considérée s’avèrent très pertinentes pour les élèves. Elle n’éclaire pas cependant les raisons objectives justifiant son prix : Pourquoi une toile de Basquiat est-elle plus chère qu’un tableau de Chuck Close ? Belle question, n’est-ce pas ? Elle est sur toutes les lèvres, autant celles des élèves que celles de la plupart des gens. Que répondent les galeristes ? Ils se réfugient dans des considérations portant sur la maîtrise technique dont font preuve les artistes. Jolie manière de noyer le poisson !