L’art public en contexte hospitalier
Le 8 octobre, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a inauguré une série d’expositions d’œuvres d’art et d’artefacts médicaux issus de sa collection permanente, ainsi que les onze réalisations d’art public érigées récemment sur son site conformément à la politique d’intégration des arts à l’architecture du gouvernement du Québec. Avec une enveloppe de 4,3 millions de dollars, correspondant à 1 % du coût de la construction du complexe hospitalier, le CUSM possède actuellement l’une des collections d’art public les plus importantes en sol québécois. Elle réunit des œuvres d’artistes de renom tels Michel Goulet, Linda Covit, Nicolas Baier, Gilles Mihalcean et le duo Cooke-Sasseville.
Plusieurs réalisations se distinguent par leur qualité d’intégration et leur conception. Mentionnons en premier lieu l’œuvre Havre de Linda Covit. Installé sur l’emplacement central du site, l’imposant ouvrage de 13 mètres de haut se présente comme une sphère métallique ajourée de 16 mètres de diamètre dans laquelle le visiteur peut entrer. En y pénétrant, il découvre un espace intime et méditatif en écho à l’environnement extérieur. La réalisation de Linda Covit reprend des éléments à la base de son langage sculptural par l’élaboration de cloisons perméables et de configurations en cercle qui entrent en résonance avec la configuration de l’habitacle. Inspirée de l’art asiatique, cette manière de construire des espaces intérieurs, mais ouverts sur l’extérieur, permet une variété d’expériences sensibles pour le spectateur.
Édifiée sur la terrasse de l’hôpital de Montréal pour enfants du CUSM, l’œuvre « Je suis là ! » de Michel Saulnier met en scène un ours (teddy bear) gigantesque en équilibre sur une boule géante en laiton. En s’inspirant du monde de l’enfance et du monde animal, l’artiste a inventé l’histoire d’un ours qui a courageusement appris à marcher sur la planète et à circuler entre les étoiles. Depuis 1984, la figure de l’ours est récurrente dans l’œuvre de l’artiste. Elle correspond à un imaginaire relié au rêve et au dépassement de soi. Fabriquée en aluminium anodisé, la sculpture se pare de diverses couleurs sous l’action de la lumière naturelle. Le soir, un éclairage bleuté émane du corps de l’animal qui agit comme un vigile jusqu’au lever du soleil. Cette œuvre ludique et grandiose se dresse comme un monument dédié à la grandeur de l’enfance. Une réalisation impressionnante qu’il faut absolument découvrir.
Du côté de la peinture, l’œuvre abstraite de Jean-Sébastien Denis intitulée Prisme se déploie sur les trois faces d’une colonne située sous un énorme puits de lumière dans le centre de recherche McConnel. D’une hauteur de 12,18 mètres, elle explore les variations de la nature du ciel grâce à une série de lignes et de surfaces colorées. Perceptible à travers les vitres des différents étages du centre, l’œuvre offre au regard une multitude de points de vue et constitue l’axe central autour duquel les usagers et les chercheurs gravitent.
La série photographique de Denis Farley est remarquable pour ses qualités esthétiques et d’intégration. Développée en deux volets, elle se déploie dans l’atrium de la cafétéria de l’hôpital. Du côté sud, elle est constituée d’une murale en trois sections représentant des vues rapprochées des pourtours de nuages. Du côté nord, elle présente une mosaïque de photographies de nuages sur fond gris. Pour l’artiste, les nuages agissent comme une source infinie de matière à observer, sans cesse changeante et sans limite. Parmi les référents associés aux représentations des nuages, il note le sens d’universalité, de changement et de contemplation.
Comme le mentionne Karine Raynor, directrice associée et conservatrice au Centre du patrimoine du CUSM, les œuvres retenues ont été sélectionnées parmi un nombre important de propositions. En plus de leurs qualités artistiques, les ouvrages devaient démontrer leur capacité à « interpeller le public et à susciter une réflexion sur la mission du CUSM qui consiste à guérir, à enseigner et à innover ».
Le devenir d’une collection
Les œuvres d’art public nouvellement acquises ont enrichi les collections d’art des divers hôpitaux fondateurs au cours des 120 dernières années. Pour éviter l’éparpillement et la perte potentielle d’artefacts, le CUSM a adopté une démarche rigoureuse de conservation. C’est en 2007 que Karine Raynor entreprend le classement, l’archivage et le catalogage des œuvres d’art, des photos, des objets et instruments médicaux. En 2014, environ 2500 artefacts sont inventoriés, emballés et prêts à être déménagés au méga- hôpital. La direction du CUSM mise sur la valorisation d’un riche patrimoine qui regroupe autant des peintures que des objets s’inscrivant dans l’histoire de la culture industrielle et scientifique.
Pour l’accompagner dans sa mission, le Centre du patrimoine du CUSM a signé une entente de partenariat de 5 ans avec la banque canadienne RBC. De cette association est né Le Centre d’exposition RBC. L’organisme a le mandat de centraliser et de gérer toutes les questions relatives à la préservation et à la promotion de la collection. La mise sur pied d’expositions temporaires figure également parmi les objectifs du centre qui envisage de construire un musée sur le site Glen. Toutes ces initiatives sont à encourager et à soutenir. L’expérience du CUSM pourrait être également utile pour d’autres institutions hospitalières ou publiques.
Il reste la délicate question de la préservation patrimoniale des anciens bâtiments. Dans un article du Devoir paru le 10 octobre 2015, la journaliste Florence Sara. G. Ferraris s’interroge sur la dégradation de l’ancien hôpital Royal Victoria, construit en 1894 et déserté depuis le début de l’année 2015. Il est reconnu que des équipements vacants se détériorent rapidement et coûtent cher en frais d’entretien et de réhabilitation. Or, rien n’est encore décidé. Les autorités de l’Université McGill ont fait connaître leur intention de reconvertir le bâtiment afin de l’intégrer à son campus, cependant elle ne se concrétisera guère avant 2022. Dans l’intervalle, c’est au CUSM qu’incombe la responsabilité de mettre en œuvre les moyens de préserver l’intégrité de l’édifice conçu par l’architecte anglais Henry Saxon Snell.