L’exposition Les traversées réunit sept artistes qui, selon le commissaire Frank Michel, « chacun à leur manière, cheminent dans le paysage, le traversent, l’étudient, le perçoivent et le vivent autant qu’ils et qu’elles le donnent à voir ». À cette fin, les artistes sont allés vers « l’ailleurs » : en Gaspésie, en Islande, au Yukon, sur la Côte Ouest du Canada, au Japon, au Mexique et en Amérique centrale, mais aussi beaucoup plus près: au Mont-Mégantic et à Kamouraska.

Sept photographes de la nature, sept marcheurs et adeptes de la lenteur, témoignent de leur engagement. Bien qu’elles soient différentes, leurs productions sont interreliées et se complètent. Comme le souligne Véronique Drouin, directrice générale intérimaire du Centre d’art de Kamouraska: « Il s’agit de porter une attention intime aux détails les
plus intimes. Et de partager une expérience. Car c’est bien de cela dont il est question : d’attention et de partage. »

Dix lieux d’exposition, répartis dans tout le Kamouraska, ont soutenu cette expérience. Ils pouvaient être visités systématiquement ou librement au hasard. Cependant le Centre d’art de Kamouraska était l’emplacement principal de ces rencontres photographiques.

Sara A. Tremblay a traversé à pied la Gaspésie (650 km), de Matapédia au parc Forillon, par le Sentier des Appalaches; elle en a capté des paysages grandioses — les sommets des Chic-Chocs ou encore une imposante chute d’eau — que l’on découvre au Centre d’art. En complémentarité, une séquence de photos (intimistes et impressionnistes, cette fois) est pré- sentée dans un sentier pédestre à Mont-Carmel: l’harmonie entre la production artistique et le lieu d’exposition est ici remarquable. En découvrant les œuvres et en marchant dans le sentier, le visiteur peut admirer la lumière, les rayons du soleil feutrés par les branches, la brume à travers les arbres, tant dans leur réalité que dans l’exposition.

Sept photographes de la nature, sept marcheurs et adeptes de la lenteur, témoignent de leur engagement. Bien qu’elles soient différentes, leurs productions sont interreliées et se complètent.

Normand Rajotte s’intéresse presque exclusivement à son boisé près du Mont-Mégantic. Depuis 20 ans, «il arpente ce territoire patiemment en toute saison, sensible aux variations et au mouvement du paysage et de ceux qui l’habitent». Pour la série Le chantier, présentée au Centre d’exposition, l’artiste documente la transformation graduelle du milieu naturel que provoque la venue des castors. Rajotte capte des détails d’une rivière à demi gelée où apparaissent des petits bouts de branches et des éléments de la nature laissés par l’activité des castors, tels des tableaux d’art abstrait tout en délicatesse. La suite de la série de photos est présentée au village Saint-Gabriel-Lalement, dans une pinède; le lieu ne pouvait être mieux choisi : l’harmonie entre ce décor et le travail de l’artiste a pris les proportions d’une installation.

Lors de sa résidence en Islande, Jessica Auer a capté des paysages saisissants de neige et de froid. L’artiste s’intéresse en fait à ce qui façonne culturellement un paysage. Sa photo de sept marcheurs avançant en file indienne au cœur d’un impitoyable paysage d’hiver atteste un souci d’esthétisme que double une représentation de l’effort physique de personnes solidaires.

Michel Huneault s’est rendu au Japon après la triple catastrophe du tremblement de terre, du tsunami et de l’accident nucléaire de 2011. Il a photographié les lieux dévastés, comme l’embouchure du fleuve Kitakami, où le tsunami s’est infiltré, et d’autres scènes de désolation : des débris sur le bord de la grève où sont entremêlés, au milieu des joncs, filets de pêche, épaves, pièces de bois, de tissus, de jute, formant un tableau d’art abstrait ponctué de taches de couleurs. En contrepoids, il s’est aussi intéressé aux signes d’espoir produits par les sinistrés, comme la photo d’un origami accroché à un arbre ou la scène qui montre deux pêcheurs recueillant leurs cages sur le fleuve calme. Ainsi la vie reprend.

Louis Perreault faisait partie des artistes de l’exposition de 2016. Cette année, avec Volcán, il relate sa longue traversée des territoires du Mexique et de l’Amérique centrale par des paysages, des portraits et des scènes de la vie courante. En témoigne la photo étonnante qu’il a prise au-dessus d’un volcan en éruption, ainsi expliquée: « Au fond du cratère d’un volcan, une force en mouvement agit avec acharnement alors qu’en surface tout semble immobile. » Sur une autre photo, des pèlerins agenouillés recueillis devant le portail d’une petite église; les couleurs vives des vêtements des pèlerins et les contrastes entre le blanc et le marron de l’église rappellent les mêmes couleurs que le volcan en éruption.

Martin Schop offre au visiteur de partager avec lui ses moments de contemplations méditatives. Il a effectué de longues randonnées solitaires dans des contrées sauvages comme la West Coast Trail de l’île de Vancouver. Ses images sont empreintes d’une très grande simplicité. Dans un autoportrait réalisé avec un appareil ancien, on le voit assis sur un billot de bois contemplant l’immensité de la mer. Le dépouillement de cette image montre combien l’artiste accorde d’importance à la lenteur comme source de réflexion qui donne à voir la beauté.

En résidence d’artiste en 2016, Baptiste Grison a fait revivre, entre légendes et réalités, la disparition lointaine et mystérieuse d’un certain Julien, en photographiant un îlot du littoral un peu désordonné, tout en insérant des personnages en format médaillon à la recherche d’indices. En rédigeant « La lettre à Julien », Grison tente de s’immiscer dans les secrets du fleuve.

Lenteur, audace, exploration, mémoire, lumière des paysages ont été une fois encore au rendez-vous de l’événement culturel annuel que constitue la rencontre photographique du Kamouraska.


Les traversées
Rencontre photographique du Kamouraska (9e édition)
Du 16 juin au 4 septembre 2017