Diane Landry, Josée Landry Sirois et Paryse Martin forment un trio hétéroclite inattendu dans l’exposition TROIS présentée à la Galerie Michel Guimont de Québec. Cette rencontre sans thème unificateur insiste à juste titre sur la personnalité artistique de chacune. Son intérêt réside dans la singularité des démarches, comme dans la pluralité des genres et des modes d’expression représentés.

Le premier réflexe est de chercher une cohérence dans les univers distincts qui sont donnés à voir. Étonnamment, rien de discordant. Il règne dans cet espace investi au féminin une belle harmonie, une tranquillité palpable, voire une sorte de communion esthétique entre les trois femmes artistes de Québec.

L’initiative d’une telle cohabitation revient à Josée Landry Sirois, jeune artiste montante, et à son désir de s’associer à deux artistes seniors qu’elle considère comme des mentors. Pari osé, mais tenté. Le jeu des comparaisons entre son travail exploratoire, encore hésitant, et celui bien arrimé de ses réputées consœurs comporte ses dangers. Toutefois, elle relève le défi non de se mesurer à ses aînées, mais de se laisser accompagner et révéler à leur côté.

Intimité, intemporalité, sensualité, séduction, fragilité, naïveté, patience, accumulation de motifs, mémoire des gestes, jusqu’à l’obsession parfois, composent la matière de base que chacune utilise à sa façon.

JOSÉE LANDRY SIROIS

Josée Landry Sirois accumule, recycle et collectionne objets banals, symboles et autres « artefacts » qu’elle consigne ici dans, nomme-t-elle, « son laboratoire de l’intime ». Les œuvres ludiques et autoréférentielles qu’elle propose, pour la plupart des bas-reliefs de papier, s’élaborent en un lent processus qui intègre assemblage, collage, pliage, découpage et bricolage. Ici, des papillons en origami et des allumettes craquées forment des cœurs. Là, un collage de papillotes de bonbons devient tableau. Ailleurs encore, un camée, comme celui jadis offert à l’être aimé, a été « sculpté » dans la déchirure du papier blanc. L’artiste s’approprie tout naturellement des poncifs qu’elle imprègne ainsi de ses propres sentiments et « fabulations amoureuses ».

Détonant dans ce corpus expérimental et léger en quête d’orientation, de grands dessins architecturés, parcourus de lignes et de graphèmes étranges, paraissent signés d’une toute autre énergie. On y retrouve l’écriture spontanée et brute de Josée Landry Sirois, à la fois rationnelle et chaotique, et franchement porteuse d’énigmes et d’horizons prometteurs.

Camae Papier

Notes biographiques
Née à Rimouski en 1981, Josée Landry Sirois détient un baccalauréat en arts plastiques et un certificat de deuxième cycle en édition de livres d’artiste de l’Université Laval (2004). Son travail a jusqu’ici été présenté, entre autres, à la Peak Gallery de Toronto, à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval, au Musée Régional de Rimouski, aux Maisons de la culture Frontenac et du Plateau-Mont-Royal, à Montréal. L’artiste a aussi participé au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (2008) et à la Manif d’art 5 (2010) à titre d’exposante, mais aussi de commissaire de l’événement satellite. Lauréate du concours d’œuvres d’arts de la Ville de Québec (2009), elle collabore activement aux Ateliers de la Mezzanine et à l’organisme Folie Culture de Québec.

DIANE LANDRY

Pour Diane Landry, qui s’exprime habituellement par l’intermédiaire des arts médiatiques et d’installations automatisées à grand déploiement, il s’agit d’une première incursion en galerie privée au pays. Les impressions numériques qu’elle expose aussi pour la première fois sont tirées de ses performances vidéo aux dimensions temporelle et émotionnelle. Dans Bouclier perdu (2005), projet qu’elle revisite avec bonheur, l’imbrication et le dédoublement d’images, originellement animées, donnent une lecture imprévue aux extraits fixes. La morphose résiduelle des mouvements du corps et du souffle alangui semble se fondre en des paysages paisibles. Les séquences empruntées à Silence radio (2008), réalisée en résidence à New York, et à Jongler (2009-2012), où l’artiste se tient immobile devant une fenêtre, sont des arrêts sur le mouvement, sur la respiration et sur le temps. Temps qui s’écoule à travers la lumière changeante alors que rien ne bouge tout autour. Pour ce travail d’une infinie patience, dont elle résume ici le déroulement en quelques clichés seulement, il lui a fallu capter la même pose au même endroit, à chaque minute, pendant 24 heures. En transposant ses expériences performatives en « images fixes », Diane Landry en accentue le caractère documentaire et intimiste, les dote d’une nouvelle proximité avec le public.

Notes biographiques
Née à Trois-Rivières en 1958, Diane Landry vit et travaille à Québec. Formée à l’Université Laval (1987) et détentrice d’une maîtrise de l’Université Stanford en Californie (2006), elle poursuit sa recherche en arts médiatiques depuis 25 ans. Ses œuvres installatives automatisées, parmi lesquelles École d’aviation (2000), Les sédentaires clandestins (2001) et Les défibrillateurs (2009), ont fait l’objet de nombreuses publications et expositions au Québec et à l’étranger. Lauréate du prix Giverny Capital (2007), elle est aujourd’hui représentée par la Galerie Michel Guimont de Québec et par la Solway Jones Gallery de Los Angeles. L’artiste continue de s’imposer sur la scène internationale tant en Amérique et en Europe qu’en Asie. Signalons qu’elle sera de la prochaine Manifestation internationale d’art de Québec, du 3 mai au 3 juin 2012.

PARYSE MARTIN

On ne peut que sourire et s’émouvoir au contact des œuvres foisonnantes et irrésistiblement kitch de Paryse Martin qui prennent cette fois-ci le meilleur ami de l’homme pour métaphore du vivant et du vécu. Ce bestiaire canin étonne par son traitement fantaisiste, sa surabondance ornementale et par l’étrangeté du sujet lui-même, né de la fusion animale et végétale. Bulldogs et terriers hirsutes et panachés, affublés tantôt de bonnets d’âne ou de collerettes empesées, tantôt d’excroissances fleuries ou de pattes racinaires, stimulent les sens et l’imaginaire à coup de motifs, de détails, de textures et, surtout, de fables à inventer. Les trois bronzes de sa récente série des Petits savants fous et les six beaux dessins au crayon rehaussés à l’aquarelle des Avaleurs de nuages allient joyeusement la virtuosité graphique et sculpturale à l’esprit baroque et anthropomorphique qui caractérise la recherche de l’artiste depuis 30 ans. Un condensé de vie dont on devine la complexité et la fragilité dans la délicatesse d’exécution, par-delà l’aspect décoratif et un humour qui peut s’avérer trompeur.

Sans titre, 2011, Bronze, 25,4 x 25,4 x 54,4 cm

Notes biographiques
Née à Caribou dans le Maine (États-Unis) en 1959, Paryse Martin partage sa vie entre la création et l’enseignement des arts à l’Université Laval, où elle a complété les deux premiers cycles de sa formation, obtenant en 2007 son doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM. Active sur la scène artistique québécoise depuis 1984, elle a aussi participé à de nombreuses expositions individuelles et collectives au Canada et à l’étranger (France, Pays-Bas, Cuba, etc.). L’artiste multidisciplinaire compte des expériences significatives comme membre de jurys et de comités divers ainsi qu’en art public. Elle a réalisé huit œuvres dans le cadre de la Politique gouvernementale d’intégration des arts à l’architecture, dont Cultiver l’imaginaire (2007) installée à la Maison de la culture Côte-des-Neiges de Montréal. Enfin, ses créations font partie de plusieurs collections publiques et privées.


TROIS
Galerie Michel Guimont
273, rue Saint-Paul, Québec
Tél. : 418 692-1188
www.galeriemichelguimont.com
Du 26 février au 25 mars 2012