L’exposition de printemps de la Maison de la culture Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension se présente comme la suite du premier Festival des Arts Imprimés de Montréal (FAIMTL) qui s’est déroulé du 28 avril au 7 mai 2016. « Cette nouvelle initiative montréalaise tendait à montrer, sous l’angle du dépassement des limites, la vitalité du milieu des arts imprimés. » En invitant cinq jeunes artistes qui travaillent de façon novatrice, Claude Morissette a voulu montrer, à son tour, que l’hybridation et la multidisciplinarité font partie de l’évolution de ces pratiques.

Quiconque a visité la 9e Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières (du 21 juin au 6 septembre 2015) ne sera pas surpris par les œuvres de l’exposition Nouveaux regards sur l’art imprimé. Il y retrouvera les caractéristiques majeures de toute production qui se réclame du label de l’art contemporain : installation, grand format, variété de matériaux, discours critique. Le commissaire a d’ailleurs habilement choisi un dispositif installatif pour présenter les œuvres. Il a rencontré les artistes pour leur exposer sa conception et elles ont accepté que leurs réalisations soient dispersées dans la salle de l’exposition, si cela s’avérait nécessaire. Elles ont même collaboré avec tant d’enthousiasme qu’il les considère comme les cocréatrices de la présentation.

Le regroupement s’imposait cependant parfois. Ainsi, les œuvres de l’artiste américaine invitée Diana Belh, imprimées sur papier et encadrées, sont accrochées sur un panneau de façon classique. Se réclamant de la technique du cut-up mise en pratique dans le domaine littéraire par William S. Burroughs, elle découpe de façon aléatoire des images qu’elle trouve, ainsi que ses créations antérieures, et dispose les fragments pour en faire des compositions abstraites. Quant aux œuvres de Cara Déry, elles se suivent d’un mur à l’autre pour constituer une Tapisserie urbaine. Cette artiste s’inspire des montagnes de terre et de gravier, abandonnées après des travaux de voirie, pour proposer une réflexion sur les changements incessants qui affectent la vie urbaine. Sa technique est très particulière : elle imprime numériquement cette montagne éphé­mère sur papier Mylar et la dessine sur ce même papier à l’aide de crayons graphite et de crayons de couleur. Ce n’est qu’au moment où tous les morceaux de papier sont fixés au mur qu’elle découvre la totalité de son œuvre.

En revanche, les œuvres de Joani Tremblay sont séparées les unes des autres. Néanmoins, son style graphique est assez personnel pour qu’aucun doute ne subsiste sur son auteur. Les mêmes signes mystérieux qui peuvent aussi bien rappeler la lettre « m » que symboliser le vol d’un oiseau se retrouvent à la fois sur la grande feuille de papier suspendue et sur la plaque de carreaux de céramique blancs qui semble avoir été oubliée à côté de la porte d’entrée. Dans la belle œuvre intitulée While I Was Mourning Him, qui évoque un paysage mystique, la broderie rehausse délicatement la sérigraphie. Très éloignés aussi Les Continents submergés d’Ann Karine Bourdeau Leduc de ses Espaces mémoriels domes­tiques. Dans toutes ses œuvres, cependant, la préoccupation environnementaliste est évidente. Ses Territoires factices, des impressions à jet d’encre déposées sur des socles, semblent la matérialisation artistique des archipels de plastique qui flottent dans l’océan. Quant à Éloïse Plamondon Pagé, elle fait partager au visiteur son interrogation sur la singularité de l’être humain en faisant flotter des portraits d’un bout à l’autre de la salle. Elle se met elle-même en scène dans l’œuvre inti­tulée À tout point de vue, je vais de mieux en mieux. Cet autoportrait, non dénué d’humour, composé d’une multitude de sérigraphies sur textile, frémit au moindre déplacement du spectateur.

En conclusion, une belle exposition d’art actuel, assurément, mais je ne peux m’empêcher de me demander s’il s’agit bien toujours d’art imprimé. Le Zocalo, centre d’artistes en art imprimé qui affirme se situer « dans le courant de l’art actuel » pratique l’hybridation en « mariant des techniques tradi­tionnelles à des techniques numériques ». Mais, lorsqu’une artiste s’exprime en joignant la broderie ou le dessin au crayon à l’impression, il me semble que les œuvres ainsi réalisées pourraient être incluses dans la vaste catégorie des « Techniques mixtes ». La plupart des artistes aujourd’hui étant multi­disci­plinaires, vouloir faire entrer leur art dans des cases me semble quelque peu superflu.