La biennale de céramique Virginia McClure
Retour à la TERRE
« Mon premier objectif est de présenter des œuvres qui permettent de prendre le pouls de la céramique contemporaine. Ce faisant, mes choix ont aussi été guidés par ce qui oriente mon propre travail et mes recherches : l’utilisation non conventionnelle de la céramique, l’attention portée aux processus de transformation de la matière, l’usage de terre sans cuisson, la dimension expérimentale et le statut éphémère de l’œuvre. »
C’est ainsi que Linda Swanson présente sa conception de la deuxième Biennale céramique Virginia McClure. Ces préoccupations rappellent de manière si évidente celles de l’art contemporain en général que l’on est en droit de se demander en quoi il est important d’attirer l’attention sur un type de matériau en particulier, en l’occurrence la céramique. « Il y a plusieurs éléments qui me convainquent que c’est pertinent : d’abord, la céramique reste un champ artistique sous-évalué – les prix actuels en témoignent –, alors qu’il s’agit d’une discipline extrêmement exigeante dont la maîtrise requiert de longues années d’apprentissage. Ce qui est unique et fascinant dans la céramique est aussi le fait qu’elle est le lieu d’une transformation de manière plus forte que d’autres matériaux, une transformation qui prend énormément de formes et de textures différentes. »
Les quatre artistes sélectionnés, praticiens confirmés internationalement, reflètent effectivement des tendances très diverses. Dans deux cas, Linda Swanson a demandé aux artistes de produire des œuvres spécialement pour l’exposition.
Ainsi, Phoebe Cummings, artiste britannique, fera usage de terre sans la cuire. La tonne de glaise amenée dans la galerie sera travaillée durant une semaine avec une équipe d’étudiants. Après l’exposition, ses œuvres seront défaites et retourneront à l’état brut du matériau prêt à être réutilisé, une stratégie subversive qui laisse songeur : ainsi, dans son œuvre monumentale Antediluvian Swag, 2016, la représentation détaillée des motifs végétaux atteint un tel niveau de raffinement que le spectateur est confondu à l’idée de leur retour à la glaise informe. Cette fin « absurde » est précisément ce qui intéresse Cummings.
Également invité à créer une œuvre sur place, Benjamin DeMott (originaire de Chicago) produira des œuvres laissant libre cours à la mixité des techniques et des matériaux. Porcelaine, peinture, vernis, colle et gomme se côtoient. « C’est un artiste qui cultive le contraste et la tension. Entre la terre cuite et la terre crue, entre le solide et le précaire. Il intègre parfois des objets trouvés sur place ou imprime dans le matériau une empreinte de son corps. DeMott s’inspire beaucoup de la vie en pleine nature, de sa passion pour la pêche à la mouche. »
L’Ontarienne Meghan Smythe se confronte à la tradition de la figure d’une manière très sophistiquée. « Ses œuvres parlent de brisure, de rupture, mais nous pouvons toujours nous y relier, explique L. Swanson. Car ses formes proches de la rupture nous suggèrent les thèmes classiques du désir, de la tragédie, de l’amour et de l’espoir qu’elle a d’abord abordés comme danseuse de ballet. La théâtralité de ses figures est renforcée par l’inclusion d’éléments de couleurs vives qui font penser à la mouvance typiquement californienne du Finish Fetish. »
Par comparaison, les petites figures mi- animales, mi-humaines blanchâtres de l’Ontarienne Janet Macpherson, nées de moulages d’objets et de figurines populaires, semblent à première vue plus « sages », plus proches du bibelot, mais ce ne sera qu’une première impression. Organisées en une sorte de procession, elles présentent de curieux détails qui leur donnent une allure presque médiévale : « Les sortes de bandages et de capuchons dont Macpherson entoure ses figures pourraient suggérer un plaidoyer pour le genre animal, mais leurs significations sont multiples. » Macpherson dit remettre en question la façon dont nous catégorisons et tentons de contrôler le monde vivant en général, elle qui a été frappée par la manière dont on protégeait et enveloppait les animaux lors d’un concours à une foire agricole dans l’Ohio.
La céramique contemporaine connaît actuellement un regain de faveur dans le monde de l’art. Selon Linda Swanson, ce changement pourrait être dû à « une certaine lassitude envers l’univers numérique qui a littéralement envahi la scène artistique ces dernières années ». L’intitulé « Épisode » a été choisi, explique-t-elle, par « référence au sens original du mot grec qui désignait l’action se déroulant entre les passages des chœurs » : elle souligne ainsi l’action incidente mais réelle de la céramique au cœur de l’histoire de l’art. L’art du feu ne manque pas de souffle !
La biennale céramique Virginia McClure Épisode
Commissaire : Linda Swanson
Galerie McClure, Centre des arts visuels, Montréal
Du 28 octobre au 26 novembre 2016