La Biennale de Venise de 1970
La Biennale de Venise…ou l’échec des concessions officielles faites à la contestation, maintenant en place, on ne sait pas très bien sous quelle forme. Le pavillon italien, le jour de l’inauguration, était en partie vide: salles blanches. On a même vu, dès l’entrée, un groupe d’enfants barbouilleurs (certains semblant “faire des prix” pour leurs œuvres): Keks (Ane—Didattica—Cibernetica—Sociologie—Norimberg / Monaco). Bientôt il faudra créer des jardins d’enfants contestataires, des biennales de quincaillerie, d’autres blanches, avec point blanc sur fond noir ou vice versa.
L’Argentine expose même des abeilles, deux rayons de ruches alimentés par
des butineuses qui plongent à l’intérieur de cylindres transparents, sans doute électroniques, et chargés de quel suc? Le pavillon de France, afin d’interdire ou de compliquer l’accès, présente dès l’entrée un plan incliné montant en V. Ensuite? Lettres déchirées, plafond de néon: kiosque de province où s’effilochent les projets d’une vieille garde, incapable de s’en sortir avec des bouts de bois et des ballons.
Voyons plutôt ce qui émerge. Indéniablement, dans le pavillon suisse, le graveur Augsburger, d’un talent certain, d’une originalité déconcertante, avec ses gravures en relief, qui sont presque des sculptures. Très réconfortant! Au pavillon de Roumanie les productions d’un couple d’artistes, Jacobi, sont tout à fait originales, depuis des textiles, et parvenant à inventer des objets, muraux et mobiles, qui donnent envie de jouer (on déplace de petite boules, presque végétales, à l’intérieur d’une boîte).
Au pavillon autrichien, le sculpteur Moswitzer expose de grandes sculptures dont la robustesse est bien du siècle de la machine. Au même pavillon Karl Anton Wolf, sculpteur de métal, de larges plans, semble hanté par une sorte d’hybride, entre homme et machine. Au pavillon de Norvège, c’est encore un sculpteur, Haukeland, qui domine avec de grandes constructions métalliques, un étonnant bras, se terminant par l’étoile de la main. Faire le tour, pavillon par pavillon, ne laisse aucune impression d’ensemble sinon de médiocrité culturelle, avec beaucoup de clinquant. Au début du règne des multiples, on ne semble pas se méfier de certain goût pour ce qui est neuf et brillant. L’objet tend à prendre la place de l’oeuvre d’art. Tant d’idées se perdent dans le rien. Il est significatif que les artistes qui dominent cet ensemble, sculpteurs et graveurs inventent des techniques et créent des formes robustes ou merveilleuses comme ces œuvres qui viennent de Roumanie. Côté USA, on avait apporté d’étonnantes presses à tirer, qui nous donnent la nostalgie des bonnes vieilles presses de Lacourière. Au pavillon du Canada, les conflits de générations sont limités. De Michael Snow, Atlantico, 1966-1967. retient l’attention. Mais tant d’images voisines laissent parfois une impression de monotonie. Comme on aimerait voguer!