Récipiendaire de la bourse CAM en tournée, l’artiste irano-canadienne pluridisciplinaire Naghmeh Sharifi présente son exposition To Live as an Organ within Oneself dans des maisons de la culture à travers l’île de Montréal. À la suite de l’obtention de sa maîtrise en arts de Concordia, elle a d’abord adapté son projet de mémoire pour les salles du Montréal Arts Interculturels. Maintenant, le grand public a une deuxième chance de découvrir la série d’œuvres, de dessins et de sculptures en formats divers, tous faits par l’interaction entre l’encre, l’eau, le papier et la cire.

Marquée par son séjour en Macédoine pour une résidence d’artiste, elle note : « Vivre comme un organe en soi. Un corps-île. Et en être le seul résident permanent. » Cette idée guide son œuvre, marquée par sa propre existence, qui prend forme entre son pays natal, l’Iran, et le Canada où elle réside. Elle met sa situation en parallèle avec celle dans laquelle vit le peuple des Roms, soit celle d’être dans un état d’effacement et de marginalisation constant renforcé par les discours des représentants de l’État et des principaux médias. Intriguée par cette absence d’appartenance, l’artiste s’intéresse aux corps de ce peuple sans territoire national propre.

La salle d’exposition est sombre et rappelle une scène de théâtre en raison des spots de lumière dirigés sur les figures représentées dans les œuvres, qui semblent s’approcher de nous pour mieux nous regarder. Les dessins à l’encre sur papier débordent, les figures de ces œuvres grands formats suspendues au plafond s’élèvent presque en grandeur nature. Les corps ne sont plus que des enveloppes et des symboles d’une présence, une forme et une silhouette qui existent dans l’espace. L’artiste a appris à lire les corps et le langage corporel. En observant la manière dont les individus se tiennent, se positionnent et interagissent les uns avec les autres, elle réalise l’importance de notre culture sur notre psyché et la manière dont les situations de domination que nous vivons se reflètent sur notre enveloppe externe, faite de chair et d’os. Deux séries de scènes de petit format, peuplées de groupes de personnes, racontent des histoires qui s’évadent d’une narration préconçue, s’ouvrant plutôt au vécu du spectateur.

Possédant une formation multidisciplinaire en beaux-arts et en psychologie, Sharifi s’intéresse aussi bien au corps qu’à la psyché humaine. Les figures mises en scène gardent toujours leur complexité sans être totalement sublimées. Ici, le corps devient le lieu d’une psyché en déplacement, mais il résulte aussi d’un parcours géographique, celui que l’on porte sur soi. Indépendamment des frontières nationales, les contextes culturels influencent directement notre façon de nous mouvoir, d’agir et de nous tenir.

Les dessins et sculptures de Naghmeh Sharifi possèdent une portée analytique sans être explicites sur le plan conceptuel. Il y a une liberté que l’artiste s’octroie dans le recours à des imaginaires pluriels qui évoquent les identités fluides représentées dans ses figures. Les scènes peintes nous apparaissent comme des rêves qui reviennent à notre mémoire. Elles possèdent la qualité immédiate d’un instantané atmosphérique, ce qui renforce l’effet d’authenticité et de véracité du propos sur la condition humaine. C’est avec la même générosité envers ses sujets et ses spectateurs que Naghmeh Sharifi manie l’encre, qu’elle laisse interagir avec son environnement avec beaucoup de confiance et de maîtrise.

(1) L’exposition présentée dans le cadre du Conseil des arts de Montréal en tournée, peut être vue à la Maison de la culture Côte-des-Neiges (du 23 mars au 2 mai 2021), au Quai 5160 : Maison de la culture de Verdun (du 8 mai au 26 juin 2021), à la Maison de la culture de Mercier (du 11 septembre au 17 octobre 2021) et à la Maison de la culture Rosemont — La Petite-Patrie (du 28 octobre au 19 décembre 2021).


(Exposition)

TO LIVE AS AN ORGAN WITHIN ONESELF
NAGHMEH SHARIFI
DANS LE CADRE DU CONSEIL DES ARTS DE
MONTRÉAL EN TOURNÉE
DE MARS À DÉCEMBRE 20211