Le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (MACBSP) proposait, au printemps 2021, une exposition monographique de Mathieu Valade : L’autre côté du miroir. L’artiste, originaire de Salaberry-de Valleyfield, enseigne la sculpture et le dessin à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il a réalisé plusieurs œuvres d’art public dans des villes québécoises, présenté son travail au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), participé à des expositions ailleurs au Canada ainsi que dans plusieurs pays d’Europe, dont le MAC VAL en France. Il est représenté par la Galerie 3 et ses œuvres se retrouvent dans les collections du MNBAQ, celle du MACBSP et dans des collections privées.

La commissaire Frédérique Renaud propose aux visiteurs un parcours original à travers les œuvres de Valade. Sans qu’il s’agisse d’une véritable rétrospective – les œuvres présentées datent des cinq ou six dernières années –, on est amené à découvrir la manière dont le travail de l’artiste a évolué au fil des ans et de ses expériences.

Dès le début du parcours, « le visiteur doit faire un choix d’exploration1 » entre les œuvres à regarder ou à entendre, explique la commissaire. Les dispositifs proposés peuvent être trompeurs, comme c’est le cas dans l’univers d’Alice, en référence au titre de l’exposition. La première œuvre présentée, Miroir d’entrée (2016), invite en ce sens à une double lecture : elle peut être perçue d’emblée comme un simple élément décoratif, mais lorsqu’il s’y arrête, l’œil perçoit, à la place des volutes et arabesques auxquelles on s’attend, des pictogrammes propres à des identités commerciales, nationales ou politiques. « Cette construction d’identités devient une sorte de fresque qui compose notre réalité, comme notre monde formé de nombreuses identités qui se côtoient ou se superposent2 », explique Valade.

Plusieurs sculptures réalisées au cours des dernières années proposent des compositions jouant avec le vocabulaire des natures mortes, sortes d’objets présentés dans des boîtes d’acrylique dépoli, puis le visiteur découvre Minimal Vanité (2020), œuvre produite spécifiquement pour l’exposition et qui consiste en une série de sept caissons rectangulaires superposés.

Les œuvres de Mathieu Valade sont des images à construire, car elles ne s’offrent ni d’emblée ni totalement au spectateur : ce sont des « installations qui forcent le performatif chez le regardeur », précise-t-il.

La pièce maîtresse de l’exposition est incontestablement Rorschach Wall (2019), un mur-écran composé de douze moniteurs orientés en sens portrait, qui diffusent en noir et blanc une vue accélérée de nuages. Sur le sol, une plaque de plexiglas noir lustré reflète ce que les écrans projettent. Les images en symétrie font perdre de vue le référent au profit d’une interprétation propre à chaque regardeur, d’où le titre de l’œuvre qui laisse penser à ce que les surréalistes appelaient des écrans paranoïaques. Un type de citation récurrent dans le travail de Valade. Cette œuvre sera exposée cet été en Belgique, une flaque d’huile devant remplacer la plaque de plexiglas au sol.

Le polyptyque vidéo en noir et blanc Naturellement sophistiqués (2018), aussi sélectionné pour l’édition virtuelle d’Art Souterrain 2021, met en scène deux figures incontournables de l’art du XXe siècle : Marcel Duchamp et Gertrude Stein. Les figures stylisées qui les représentent sont de plus en plus hilares et amènent le public à retrouver une sorte de légèreté ludique dans une histoire de l’art peut-être parfois étriquée et quelque peu captive de ses dogmes.

Les œuvres de Mathieu Valade sont des images à construire, car elles ne s’offrent ni d’emblée ni totalement au spectateur : ce sont des « installations qui forcent le performatif chez le regardeur », précise-t-il. L’artiste travaille les éléments de paysage depuis 2018 et ses futurs projets seront liés à ce que ses expéditions en montagne ou en kayak l’amèneront à découvrir, mais avec la volonté de dévoiler davantage le dispositif.

Divulguer le dispositif de l’œuvre afin de comprendre les mécanismes qui nous gouvernent, mais aussi pour faire prendre conscience au spectateur que « ceci n’est pas une pipe », telle est la volonté de Mathieu Valade.

(1) Les citations de la commissaire sont tirées d’une entrevue réalisée avec Frédérique Renaud le 5 mai 2021.

(2) Les citations de l’artiste sont tirées d’une entrevue réalisée avec Mathieu Valade le 4 mai 2021.


(Exposition)

L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
MATHIEU VALADE
COMMISSAIRE : FRÉDÉRIQUE RENAUD
MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE BAIE-ST-PAUL
DU 4 FÉVRIER AU 30 MAI 2021