L’exposition Vivre et concevoir avec la neige au Québec a été montée par la Maison de l’architecture du Québec (MAQ) pour les 24 heures de l’architecture à Marseille, les 17 et 18 octobre 2014. La commissaire Sophie Gironnay, secondée par Marie-France Daigneault Bouchard, a choisi une cinquantaine de projets architecturaux, installations éphémères et objets qui redonnent à l’hiver québécois ses lettres de noblesse. Les projets sont présentés sur des bandes blanches verticales, évoquant à la fois une ambiance neigeuse et une densité urbaine, qui enveloppent le visiteur. L’immersion visuelle se poursuit avec en complément une installation sonore d’Audiotopie qui simule les conditions hivernales.

Qu’on l’adore ou qu’on l’abhorre, l’hiver ne laisse personne de glace. L’exposition a pour enjeu de faire connaître la naissance d’un mouvement chez les architectes québécois qui consiste à concevoir « avec » la neige plutôt qu’« en dépit de ». Parallèlement, ce mouvement tend à souligner les valeurs associées aux régions. Ainsi, dans un Québec perçu comme nordique, il n’est pas étonnant que soient promus notre héritage local, nos traditions ancestrales et nos réalités climatiques. Ainsi, la firme Fournier Gersovitz Moss Drolet et associés architectes conjugue contemporanéité et aspect local dans les projets d’aérogares au Nunavik qui font honneur aux Inuits, pour qui la neige est essentielle en tant qu’outil de survie et matériau de construction. Si les Premières Nations ont maîtrisé l’art de construire avec la neige depuis longtemps, « [depuis] quelques décennies, c’est au tour des architectes d’apprivoiser ce dialogue avec la neige ».

Le développement du langage architectural ne représente pas une mince affaire. L’architecte Pierre Thibault fait partie des pionniers de sa génération qui ont osé « puiser aux sources de la ruralité québécoise, de ses paysages de “nature première” pour y développer un langage authentiquement moderniste, dépassant du coup les oppositions ». L’installation Jardins d’hiver (2003) a servi de laboratoire au développement de ce langage architectural québécois : les constellations de chandelles et tranchées de tentes éclairées ont su révéler le paysage hivernal autrement. Bien qu’il soit synonyme de blancheur immaculée avec la lumière réfléchie sur les territoires enneigés, l’hiver québécois rime également avec noirceur prolongée, en raison des heures d’ensoleillement diminuées. Avec Jardins d’hiver, Thibault inverse le tout : la nuit noire devient champ de lumière.

Si plusieurs projets explorent le rapport à la nature, force est de constater que tous considèrent l’intégration à l’environnement, que le milieu soit rural ou urbain. En ville, la pratique des installations éphémères hivernales s’inscrit naturellement dans l’ADN festivalier de Montréal. Depuis 2010, le concours Luminothérapie donne carte blanche aux créateurs locaux pour dynamiser le Quartier des spectacles au moyen d’installations temporaires, participatives et ludiques durant la saison froide. En 2014, l’installation Entre les rangs de la firme KANVA Architecture a transformé la place des festivals en un champ de blé urbain, une référence au régime seigneurial et au positionnement des rangs le long du fleuve Saint-Laurent. Ici, point d’épis de blé : des tiges souples surmontées de réflecteurs blancs, habituellement utilisées comme repères à la circulation, bercent les visiteurs au son de la musique et des couleurs changeant selon le moment de la journée.

Vivre et concevoir avec la neige au Québec soulève une véritable tempête d’idées : de « la ruelle blanche » de Pete & Vegas aménagée par les citoyens à des fins récréatives au Korridor nordiK de Francis Falardeau-Laperle et Janie Hémond, une proposition d’aménagement de corridors de ski de fond dans la ville de Québec. Sophie Gironnay, la commissaire, salue les projets avant-gardistes de l’exposition qui donnent un second souffle à l’hiver québécois, souhaitant que la prise en compte des contraintes climatiques et de l’hiver s’inscrive de façon plus durable dans la création architecturale québécoise. Il reste à espérer que cette exposition et son catalogue fassent boule de neige. 


VIVRE ET CONCEVOIR AVEC LA NEIGE AU QUÉBEC
Commissaire : Sophie Gironnay, avec Marie-France Daigneault Bouchard
Maison de l’architecture du Québec, Montréal
Du 5 juin au 13 septembre 2015

Sporobole, Sherbrooke
Du 23 septembre au 18 octobre 2015