C’est sous un angle novateur guidé par une mouvance teintée d’orientalisme que la Biennale internationale d’estampe contemporaine déploie sa 8e édition.

Voilà ce dont témoigne d’emblée, par exemple, l’attribution des deux premiers prix décernés à des artistes d’origine asiatique. Les thèmes de leurs œuvres expriment cependant deux sujets très éloignés l’un de l’autre : le pouvoir politique et la solitude. Le Thaïlandais Chirachaisakul Kraisak, premier prix, propose dans sa série Long Live the King une suite d’images d’un réalisme troublant, mais fidèles, semble-t-il, à certains aspects de la vie quotidienne de la monarchie. Par exemple, l’une d’entre elles montre un rassemblement de gens du peuple attentifs à un discours du roi. Cette composition est une illustration éloquente des rapports qui régissent les sphères politiques et culturelles laissant aux visiteurs la liberté de transposer la situation proposée à leurs yeux à d’autres relevant de leur propre expérience. Dans une intention tout autre, le Japonais Sadao Sakurai, qui obtient le second prix, offre quant à lui sa vision intime du monde dans une série d’œuvres méditatives où se détache sur un arrière-plan dépouillé une figure solitaire et poétique.

En accrochant près de 330 œuvres de 58 artistes provenant de 22 pays réparties dans quatre sites du centre de Trois-Rivières, auxquelles s’ajoutent une douzaine d’expositions parallèles dans les alentours, l’édition 2013 de la BIECTR affirme une fois de plus son caractère interna­tional. Elle répond à sa première raison d’être, soit la sélection d’un lot d’artistes de grande classe dont la particularité est d’avoir élu les différentes techniques de la gravure comme moyen privilégié de création. Ainsi, la Biennale donne un aperçu mondial des modes de production de l’estampe actuelle.

Tout comme les précédentes éditions, la Biennale 2013 fait une place aux technologies informatiques, mais à certaines conditions. Élisabeth Mathieu, la directrice artistique de l’événement, explique : « Les récentes techniques numériques doivent s’intégrer aux techniques traditionnelles pour faire partie de l’exposition, créant ainsi une hybridité dans leur composition formelle. » Si, par exemple, la sérigraphie, la manière noire, la gravure sur bois, l’eau-forte continuent justement d’occuper une part importante des expositions de la BIECTR, d’autres présentent l’estampe dans un champ élargi où les limites mêmes du médium sont repoussées. C’est le cas notamment des œuvres installatives in situ de Libby Hague qui se déploient dans les trois dimensions de l’espace. Mais il semblerait que ce soit surtout dans le contenu même des œuvres que s’inscrit la référence à la techno­logie. Ainsi, l’artiste Nancy Lambert, à qui l’on a remis la mention de la BIECTR réservée à un artiste québécois, fait usage de nouveaux moyens technologiques en réalisant des estampes qui rappellent des photographies captées par un téléphone cellulaire, grâce au cadrage décalé, qui fait penser aux prises de vue s’appuyant sur une application telle qu’Instagram. Similaires à des clichés instantanés, les images montrent des spectateurs qui regardent des œuvres marquantes de l’histoire de l’art.

Au-delà de la découverte des multiples techniques de l’estampe et des nouvelles voies proposées par les artistes pour renouveler l’art de la gravure, c’est essentiellement la variété et l’originalité des thématiques qui fait la richesse de la Biennale, dont l’intention profonde est d’introduire le visiteur dans l’imaginaire singulier des artistes : leur univers, le cœur de leur identité, « ce que le médium de l’estampe peut traduire avec justesse » souligne Élisabeth Mathieu1. Par le biais des préoccupations d’artistes provenant des quatre coins du monde, le visiteur va découvrir comment sont visuellement traités des thèmes qui lui sont proches : la surconsommation, la maladie, le paysage naturel, l’environnement urbain. D’autres artistes choisissent plutôt d’immerger le visiteur dans des mondes plus oniriques ou encore microscopiques et biologiques, des images de corps tombants et déformés. Certaines œuvres mettent plutôt en valeur des situations problématiques d’ordre social et postcolonial, où des artistes mettent en scène les membres des collectivités auxquelles ils appartiennent et leur histoire personnelle ; tel est le cas du travail d’Eric Pina, de Rew Hanks ou encore de Marisa Boulosa. Enfin, des visions politiques, voire dénonciatrices d’injustice sociale, éclatent dans certains travaux comme, par exemple, ceux de Mehrdad Khataei ou de Sam Kerson.

En somme, la Biennale internationale d’estampe contemporaine laisse transparaître les nouvelles tendances artistiques et thématiques liées à la mondialisation et aux technologies et atteste combien la gravure, en tant que multiple, demeure un moyen privilégié pour véhiculer les plus fines expressions de la sensibilité humaine poétique, lyrique, minimaliste, indépendante ou engagée. 

8e BIENNALE INTERNATIONALE D’ESTAMPE CONTEMPORAINE DE TROIS-RIVIÈRES
Musée Pierre-Boucher, Galerie d’art du Parc, Maison Hertel-de-la-Fresnière , Centre d’exposition Raymond-Lasnier, Ancienne gare ferroviaire, Trois-Rivières
Du 16 juin au 8 septembre 2013