Ce qui retient particulièrement l’attention dans l’exposition Beat Generation : Art, hip-hop et culture autochtone présentée au Musée d’art contemporain de Montréal, c’est la façon dont les artistes appliquent des éléments iconographiques propres à l’art autochtone à des dispositifs issus de la culture visuelle occidentale dominante pour mieux s’affirmer sur le plan politique et identitaire.

Après la présentation des expositions Akakonhsa’ fabuleux dédoublements à la Maison de la culture Frontenac, Sakahàn Art indigène international au Musée des beaux-arts du Canada et Porter son identité – La collection Premiers Peuples au Musée McCord, voilà que le MACM enchaîne avec un événement organisé par la Vancouver Art Gallery et intitulé Beat Generation : Art, hip-hop et culture autochtone. Cette suite de manifes­tations montre que l’art des Premières Nations n’est pas une mode passagère. Il s’impose par la manière dont les artistes intègrent une panoplie de références à la fois historiques et culturelles à des pratiques esthétiques modernes touchant avec une égale maîtrise la peinture, l’installation, la mode, la musique et la vidéographie.

Ce qui retient particulièrement l’attention dans cette exposition, c’est la façon dont les artistes appliquent des éléments iconographiques propres à l’art autochtone à des dispo­sitifs issus de la culture visuelle occidentale dominante pour mieux s’affirmer sur le plan politique et identitaire. Ils y parviennent dans la majorité des cas par la voie du détournement ou du contre-discours. En voici quelques exemples. Dans son œuvre au néon, Duane Linklater représente l’oiseau-tonnerre tiré d’une œuvre de Norval Morisseau comme s’il s’agissait d’une figure héraldique. L’artiste utilise cette allégorie pour marquer la présence inaliénable des Premières Nations dans l’histoire et le développement de l’humanité. En ce qui a trait à Skeena Reece, la tenue vestimentaire de sa performance Raven : On the Colonial Fleet est surprenante. Les formes schématisées du vocabulaire plastique autochtone mêlées à des scènes de résistance deviennent des motifs d’une grande éloquence associés à la haute couture. Cette mutation n’est pas habituelle. Voilà pourquoi l’œuvre étonne. Quant à Dylan Miner, son installation Native Kids Ride Bikes est constituée de quatre bicyclettes ornées d’éléments traditionnels peints notamment sur des peaux d’animaux. Les formes exécutées se veulent des graffitis transposés de la rue à des produits industriels. Selon les deux commissaires Kathleen Ritter et Tania Willard, cette transposition se répercute également sur d’autres supports : mobilier urbain, enseignes de commerce ou autres objets de la culture matérielle. Elles soulignent que ce type d’intervention perpétue dans l’espace public l’héritage de la culture amérindienne.

Vidéographie et art engagé

Les œuvres vidéographiques sont nombreuses et démontrent la grande capacité des artistes à lier l’exploration visuelle caractéristique des nouveaux médias à un contenu critique. En utilisant des images rythmées provenant de vieux films hollywoodiens et des séquences de films d’archives, Jackson 2bears et Bear Witness abordent une réflexion sur le racisme, le colonialisme et la discrimination envers le peuple autochtone. Kevin Lee Burton, lui, traite de la perte de la langue crie à travers des scènes de paysages qu’il remodèle grâce aux nouvelles technologies numériques. Sur le plan sonore, ces documents ainsi que ceux de Kent Monkman et madeskino incorporent le langage syncopé et pulsionnel de la musique traditionnelle des Premières Nations aux nouvelles influences modernes, notamment le hip-hop. Ils permettent d’observer en quoi les sources ancestrales de la culture autochtone évoluent au présent et participent au renouvellement de l’art actuel.

Et la suite….

L’intérêt des musées et autres lieux culturels à diffuser l’art autochtone est à saluer. Dans le cas du Musée des beaux-arts du Canada, l’art indigène forme même une catégorie autonome. Cet exemple atteste l’importance qu’on lui accorde sur le plan national, mais il n’en demeure pas moins que l’art des Premières Nations demeure un art de combat. C’est ce que postulent les commissaires lorsqu’elles affirment que, en recréant d’anciennes traditions sous de nouvelles formes d’expression, les artistes autochtones de tout le continent nord-américain approfondissent leur engagement envers le politique, la langue, le territoire et leurs droits. En ce sens, le musée devient pour eux une tribune. 

BEAT NATION : ART, HIP-HOP ET CULTURE AUTOCHTONE
Commissaires : Kathleen Ritter et Tania Willard
Musée d’art contemporain de Montréal
Du 17 octobre 2013 au 5 janvier 2014