Danielle Cadieux
Virtuosités
Un remarquable bonheur visuel se dégage des œuvres gravées de Danielle Cadieux. Une grande variété d’impressions lumineuses sillonne ses œuvres. Les monotypes dévoilent des formes angulaires baignées par des éclairages tantôt diaphanes, tantôt mystérieux : le grain de la couleur et du papier ainsi que les nuances chromatiques forment des unions inattendues. Arborescente, la ligne peut évoquer des corps minéraux, des nervures sur des feuillages, des images de filiation biologique, des visions du corps humain… un monde polysémique.
Si les monotypes attestent d’une spontanéité expressive proche de l’improvisation, les impressions collagraphiques, en revanche, reflètent la structure ferme de la matrice souvent taillée en carton. Les planches gravées sont sillonnées de filaments opalins et de formations réticulaires qui évoquent le givre et la glace. En contraste avec l’impression par monotype, l’image apparaît plus affirmée – reflet de l’entaille, voire des dénivellations de la matrice. On remarque également des plages et entrelacs plus sombres qui évoquent des ombres, ainsi qu’un jeu plus prégnant des espaces, qu’ils soient vides ou colorés.
Conçue autour du thème du livre et du destin du monde de l’imprimerie, une série de collagraphies de petites dimensions intitulée Il était une fois (produite entre 2012 et 2015), entame un subtil et passionné dialogue avec le spectateur ; considérées sous l’angle des rapports entre la société et la culture, elles suggèrent de multiples significations.
Cette singulière poétique est le résultat d’un long périple dans le monde des arts de la gravure. « J’ai appris à dessiner en tant qu’artiste commerciale », explique Danielle Cadieux. « À un certain moment dans mon développement d’artiste, j’ai voulu aller plus loin que le dessin figuratif ; j’ai réussi à franchir ce pas grâce à l’abstraction. »
Artiste chevronnée comptant une centaine d’expositions individuelles et collectives à son actif, Danielle Cadieux a exposé ses œuvres pour la première fois en 1989. Elle a suivi de multiples cours et des stages de perfectionnement en monotype, lithographie, gravure sur bois et collagraphie, avec pour mentor l’artiste et professeur d’origine portugaise Carlos Calado, associé à la galerie Graff, ainsi que Talleen Hacykian, réputée praticienne montréalaise de la collagraphie. Actuellement, Danielle Cadieux est associée à l’atelier Zocalo de Longueuil. En 2015, l’artiste a participé à la dix-septième Biennale internationale de la gravure de Sarcelles, en France.
Autant pour ses monotypes que pour ses collagraphies, l’artiste mise sur des papiers fins – papiers de soie, poreux ou glacés – en combinaison avec une variété de teintes d’encrage qui servent de base ou de support pour les planches gravées.
Dans la création des monotypes, la feuille de papier fin peut être laissée vierge ou intacte, ou encore elle peut être découpée, pliée, froissée… Dans cette branche très gestuelle de la gravure, l’artiste déplace les fragments de papier sur le support en plexiglas, d’une impression à l’autre. Encrage, papier : avec des moyens si simples en apparence, l’artiste obtient des colorations hybrides très subtiles, et certes improbables, ainsi que des variations d’éclairage.
Sur un registre tonal décrit comme « plutôt froid » par l’artiste, la série de monotypes intitulée Fracturations (2015) recèle une alchimie de gris, de verts et de noirs illuminée parfois par un foyer central aux teintes rosées. Les formes qui suggèrent des cristaux, des configurations géologiques et végétales – selon l’imagination et l’humeur réceptive du spectateur – sont parfois éclairées par un foyer qui semble exister derrière les zones plus foncées.
Tout un groupe de tonalités chaudes – carmin, cinabre, bordeaux, écarlate, orangé – se côtoient intimement dans les monotypes des séries Souffle des corps et Incandescence (2010). Des foyers de lumière blanche ou orangée, centrés ou excentrés dans l’espace plastique, mettent en relief des formes ébréchées et foisonnantes dans des gammes de rouges et d’orangés, qui justifient leur association avec les lueurs du feu ou les brûlures de la chair.
Du côté des collagraphies, la série Entre chien et loup offre une exploration du trait qui, ça et là, s’élargit en une sorte de plage sombre. Autant dans les monotypes que dans les collagraphies, des formes empruntent des configurations fractales manifestant des continuités entre les règnes végétal et minéral.
L’artiste fait preuve d’une grande virtuosité technique alliant collagraphie, linogravure et transfert d’images sur une seule page imprimée au profit d’une grande variété expressive, à l’image de l’ensemble de ses productions.
Danielle Cadieux Estampe
Galerie Vincent- d’Indy Centre multifonctionnel Francine-Gadbois, Boucherville
Du 29 juin au 24 juillet 2016
Danielle Cadieux Monotypes et collagraphies
Galerie LUZ, Montréal
Du 1er au 25 juin 2016