Excellente exposition hélas affublée d’un titre à faire fuir les visiteurs d’un musée d’art contemporain, À la recherche d’Expo 67 se démarque par certaines propositions percutantes.

Outre de permettre à dix-neuf artistes de créer des œuvres inédites, l’exposition À la recherche d’Expo 67 a offert une variété d’approches dignes d’attention. Composée en majorité de vidéographies et d’installations multimédias, elle comportait également peintures, photographies et documents d’archives. Chacun des artistes, plusieurs trop jeunes pour avoir connu « Expo 67 », en a proposé une vision fascinante et originale. Tantôt transporté dans le passé grâce à des films d’archives retravaillés, tantôt découvrant la réalité des traces hideuses d’un lieu mal entretenu depuis cinquante ans, le visiteur ne pouvait qu’être choqué et médusé.

Pour développer chacun à leur manière un propos social qui questionne les prétentions de l’époque, certains artistes ont choisi l’humour, d’autres la dénonciation. Quelle que soit la stratégie critique mise de l’avant par les artistes, toutes les œuvres sont fortes.

De manière métaphorique, dans Le Chemin de l’énigme, 2017, Pascal Grandmaison et Marie-Claire Blais ont à plusieurs égards réalisé une œuvre magnétique. Le son qui se réverbère sur les murs, associé au ralenti de l’image et à son évanescence, illustre un effort qui fait « mal à voir ». Les visiteurs ont pu assister à la construction de l’île Notre-Dame : Pierre par pierre, à mains nues, elle sort de l’eau par l’accumulation de matière. Les artistes ont juxtaposé des images bleu acier des roches et des scènes bucoliques de canards sur l’eau : deux univers en totale opposition. Bien que l’on comprenne rapidement la symbolique de l’œuvre, elle valait la peine que l’on reste les treize minutes de sa durée.

Autre œuvre remarquable : By the time we got to Expo, 2015, arrêt sur image, de Philip Hoffman et Eva Kolcze. La vidéo allie ici films d’archives, judicieusement colorisés, et dessins numériques. Ces deux segments formels ponctués de moments de « noir » ou de « flash » lumineux rappellent bien que nous sommes devant un traitement subjectif de l’histoire. Le rythme des images traduit l’effervescence du moment. Mais le chaos du « noir » et « blanc » se veut un regard critique sur ce qui reste actuellement des pavillons, sortes de vestiges jetés aux rebuts.

Par ailleurs, l’installation immersive Ensemble / Encore, 2017 de Geronimo Inutiq, originaire du Nunavut, a fait vivre un moment étrange où le regard éclate par la sollicitation contradictoire des éléments au mur et sur le plancher. La participation du spectateur est dans ce cas essentielle. Celui-ci tourne obligatoirement sur lui-même en quête d’une vision d’ensemble toujours fuyante. Or, participer est déjà un acte d’engagement et de partage. L’artiste prétend que 1967 fut l’apogée de tous les possibles. C’était au visiteur de construire sa propre opinion.

Parmi les expériences mémorables, l’œuvre Aussi souverain que l’amour, 2017, de David K. Ross, réalisée grâce à un drone muni d’une caméra, propose au visiteur de voler au-dessus du site actuel de « EXPO 67 ». Le constat est affligeant. Que reste-t-il des architectures avant-gardistes, tours de force technologiques de 1967 ? Comment la ville a-t-elle pu laisser les choses se détériorer ainsi ? Comment a-t-elle pu fuir ses responsabilités et faire en sorte que ce lieu devienne un dépotoir à ciel ouvert ? Tout en ayant l’illusion de voler à bord du drone, le visiteur entend le texte de Saint-Exupéry dont s’inspirait Terre des hommes. S’entrechoquent alors la réalité et la fiction. Le message est clair et désolant. C’est d’ailleurs dans le même esprit que travaille Mark Ruwedel qui, grâce à des photos aux compositions classiques dont le sujet donne à voir des friches urbaines scandaleuses et surprenantes par leur état d’abandon, critique l’état des choses actuelles. Ses photographies exposent cependant une situation qui existait déjà il y a vingt-cinq ans. Sachant que les espaces verts sont rares à Montréal, la construction d’un parc de verdure aurait ajouté sûrement des îlots de fraîcheur essentiels à l’équilibre environnemental.

Sur une note personnelle, l’artiste Krista Belle Stewart est émouvante par son œuvre qui évoque un vitrail installé à même la fenêtre du Musée et qui reprend des images d’un documentaire dont sa mère avait été le sujet. Comme le rouge est la couleur de l’amour, il est naturel de voir dans cette installation une manifestation de tendresse de l’artiste envers sa mère. L’œuvre enveloppe le visiteur d’une lumière chaude et rassurante.

Enfin, l’installation envoûtante de Jean-Pierre Aubé surprend. Loin d’être un jeu, Kaléidoscope II, 2017, fait plutôt voir le processus de cristallisation de matières chimiques nuisibles – que l’on peut se procurer sur Internet. Séduisante et répulsive à la fois, l’ensemble de l’œuvre, réalisé grâce à une sophistication technique parfaitement maîtrisée, laisse pantois. La musique du grand compositeur et écologiste canadien Murray Schafer offre un contrepoids fort aux images de type psychédélique. Une œuvre où tout est art : le dispositif, le développement et le rendu.

Adam D. Weinberg, directeur du Whitney à New York, écrit dans la publication de la Biennale 2017 de son musée : « Les artistes ont le regard aigu, s’inquiètent, spéculent, contemplent et protestent. » Il ajoute : « ils proposent souvent des solutions, des rêves idéalistes ». À la recherche d’Expo 67 avait pour but premier de critiquer, à quand la prochaine exposition qui voudra proposer des utopies constructives ?

À la recherche d’Expo 67
Musée d’art contemporain de Montréal 
Du 21 juin au 9 octobre 2017