Délibérément placées sous le signe de la fantaisie, les œuvres sélectionnées pour célébrer les 40 ans d’activité de la Galerie d’art du Parc de Trois-Rivières invitent les visiteurs à la fête. Comment pourrait-il en être autrement avec un thème aussi fondamental et ouvert que Carrément inutile, absolument essentiel ? Il était toutefois pimenté d’une contrainte : les artistes devaient intégrer dans leur œuvre l’élément « 40 ».

Teintées d’une douce ironie, les œuvres proposées sollicitent l’attention des visiteurs sur le mode interpellatoire : elles soulèvent toutes un questionnement sur l’acte de création artistique, certaines s’érigent comme une énigme, d’autres interrogent la fuite du temps, mais sans la moindre nostalgie. De ce point de vue, quelques-unes se distinguent par leur caractère spectaculaire, leur prouesse technique, l’efficacité de leur propos. Tel est le cas de Suspendre la gravité, sculpture de Roger Gaudreau constituée d’une pierre de 40 kilos qui s’affranchit de l’attraction de la pesanteur : on la voit arrêtée en plein vol dans une cage d’acier ; examinée de plus près, on la perçoit finement retenue dans sa chute par 40 fils métalliques quasi invisibles. Juste à côté, L’Ancêtre de Lise Barbeau rend hommage aux technologies de l’informatique libérées des encombrantes cartes perforées si indispensables pourtant il y a quarante ans : l’artiste en fait une traîne royale aussi essentielle, par exemple, que la grâce de la reine Élizabeth.

Dès l’entrée de la Galerie, Quarantième avenue : Flash back se compose de 39 appareils photographiques vétustes insérés dans un cadre doré plutôt kitsch. Placés ainsi côte à côte, ils rappellent des immeubles urbains vus du ciel. Un quarantième appareil sert sans doute à immortaliser une telle plongée. Attention : vous êtes peut-être dans le champ visuel !

Avec Confettis, Élizabeth Mathieu cannibalise carrément un lot de 40 gravures qui jalonnent sa carrière. En réduisant courageusement en miettes bien rondes quelques-unes de ses estampes, l’artiste réussit à monter une installation complexe où s’interposent des écrans transparents, où interfèrent des miroirs dont les reflets placent le visiteur dans les images sur le fond bruyant et têtu d’une machine à faire des confettis. En métabolisant ainsi des estampes « anciennes », l’artiste récupère un matériau essentiel pour produire de nouvelles œuvres qui se réclament de l’art actuel.

Que valent les mots ? se demande Lorraine Beaulieu en pliant, en découpant des revues d’art, et en enroulant leurs pages pour les métamorphoser en sculptures muettes. Je crée donc je suis offre une belle leçon de modestie aux critiques bien forcés de prendre acte du triomphe de l’art sur les discours sur l’art.

Enfin, au rendez-vous de l’éphémère, le tandem Annie Pelletier-Henri Morissette n’a pas son pareil pour imperturbablement transporter 40 boîtes de toute taille d’un point à l’autre de la Galerie sans que les visiteurs ne dérangent le moins du monde ces gentils déménageurs. 


40 ANS DE PASSION ET DE CRÉATION 1972-2012
CARRÉMENT INUTILE / ABSOLUMENT ESSENTIEL
Sculptures, installations, dessins, performances
Galerie d’art du Parc
864, rue des Ursulines, Trois-Rivières
Tél. : 819 374-2355
www.galeriedartduparc.qc.ca
Commissaire : Christiane Simoneau, directrice de la Galerie d’art du Parc
Du 19 février au 15 avril 2012

Artistes: Lise Barbeau, Linda Baril, Carolane Saint-Pierre, Denis Dion, Lorraine Beaulieu, Roger Gaudreau, Frédérique Guichard, Élizabeth Mathieu, Richard Normandin, Louise Paillé, Annie Pelletier, Henri Morrissette, Josette Villeneuve, Winji.