L’art d’avoir des loisirs : Victoria Stanton et Michelle Lacombe à Verticale

La programmation en cours de Verticale—centre d’artistes, « Trouble, émoi et systèmes », invite les artistes à semer littéralement le trouble et l’émoi dans un système de valeurs dominantes : Victoria Stanton et Michelle Lacombe épousent la nécessité de réinventer la place que les loisirs occupent dans nos vies.
En projet de recherche et de diffusion, les artistes en art action Victoria Stanton et Michelle Lacombe subvertissent le mot d’ordre productiviste, faisant de leur démarche artistique des terrains d’investigations contextuelles et collectives dans l’espace public de Laval. Initiées bien avant la pandémie, ces deux recherches en cours résonnent d’autant plus maintenant : les deux artistes explorent le rôle que les loisirs jouent dans l’ordre établi.
Avec res(is)ting / repos comme résistance, Victoria Stanton continue la démarche qu’elle avait amorcée au centre d’artistes DARE-DARE en 2016, The Sanctimonious Sect of Nothing Is Sacred. Elle explore comment accepter et prendre le temps de « ne rien faire », en tant que posture qui peut être productrice de sens et de mieux-être. En menant une réflexion intensive, elle invite des participantes et participants à réaliser des actions dans l’espace public telles que « lire, marcher, tricoter, rêvasser » en groupe. Pour sa recherche à Verticale, l’artiste continue à développer un acte de douce résistance à la logique productiviste, qui passe désormais par un retour dans les lieux qui ont forgé sa conception des loisirs : terrains de jeu, salons de quilles, centres commerciaux, etc. Il s’agit pour elle de mettre en place une sorte d’atelier sans forme définie, sinon qu’il est cadré par l’art et la vie, visant particulièrement à « nous réjouir de notre capacité à respirer » et à « porter le deuil de notre ancien monde ». Le repos et les passe-temps servent ici à reconnaître l’épuisement que peut causer le travail et la pandémie.

Photo : Pascale Théorêt-Groulx
Courtoisie de l’artiste
Faisant des stationnements vacants de la ville de Laval son atelier, Michelle Lacombe met à l’œuvre une vision autre et performative des loisirs sur un registre différent. Le Cercle est une recherche qui se saisit des référents de la culture des sports motorisés en banlieue, croisés à ceux du ballet et de la peinture moderne. Ayant formé un groupe de six conductrices en automobiles rouges, l’artiste réalise une série d’interventions chorégraphiées mettant de l’avant la circulation en cercle de ces « danseuses ». Le groupe s’entraîne par des rassemblements scénarisés ; cette performance sera présentée publiquement avec des arrangements musicaux dans un stationnement au printemps 2021, réalisée d’après la section « Cercles mystérieux des adolescentes » de la deuxième partie du ballet Le sacre du printemps (1913) d’Igor Stravinsky, et d’après le tableau La Danse du peintre français Henri Matisse. L’artiste réalise une appropriation féministe de la culture du car racing amateur et crée un ballet en automobiles émancipateur, une « ronde » de « danseuses » exprimant leur sororité transgressive.
Avec leur projet, Stanton et Lacombe proposent des renversements : elles cultivent des communautés provisoires et, habitant créativement des loisirs, elles s’engagent dans des démarches de guérison ou d’autonomisation que les publics pourront mieux découvrir au printemps 2021.
(Performance)
RES(IS)TING/REPOS COMME RÉSISTANCE
VICTORIA STANTON
DE JUILLET 2020 À AVRIL 2021
LE CERCLE
MICHELLE LACOMBE
D’AOÛT 2020 À MAI 2021VERTICALE—CENTRE D’ARTISTES