Faute d’un lieu suffisamment vaste, on a réparti en deux temps, au printemps et au début de l’été, cette présentation à la Galerie de l’UQAM. Rassemblant une soixantaine d’artistes, Le Projet Peinture. Un instantané de la peinture au Canada a le grand mérite de dresser, autour des termes « peinture » et « Canada », un ensemble significatif de tableaux de production récente. Sa faiblesse ne se situe toutefois pas dans le fait de brouiller les cartes par excès de confrontation, mais bien de le faire sans une mise en perspective clairement transmise par l’accrochage.

À en juger par le résultat, tout semble s’être passé comme si, une fois délimité et documenté dans le catalogue l’objet de l’exposition, on avait craint d’associer de façon trop serrée la mise en forme aux conclusions qui devraient l’accompagner. Voir à cet égard les chapitres du catalogue que sont « Figures du réel », « Univers de fiction », « La peinture comme sujet » ou « Pratiques hybrides ». Ces sections ne semblent pas avoir été suivies par l’accrochage.

Les peintres ici ne doivent pas se contenter de faire leur tour de piste. Il leur faut discuter, se donner la réplique ou entretenir avec bonheur une conver­sation. Hélas, quelquefois, celle-ci manque d’à-propos ou tourne court. Largement exposés ailleurs, certains choix du volet 1 sombraient dans le déjà-vu (Wanda Koop, Pierre Dorion ou Kent Monkman).

Le volet 2 fait sentir davantage un continuum. Et ce, de telle sorte que chacune des créations qui s’y confrontent prend un relief inédit. Car après tout, ce qu’un tel panorama vise serait d’attirer l’attention sur des artistes dont on aurait moins senti l’importance hors de cet ensemble et qui, du coup, font sens avec éclat. Dans son volet 2, Le Projet Peinture n’est donc pas qu’une énumération, ni un palmarès à la « top trente », ni un défilé des derniers cris à la mode ou en passe de le devenir (bien que cette tentation ne soit pas totalement exclue). Dans le meilleur des cas, à partir de la variété qui le constitue, l’accrochage forme une texture. Chaque œuvre doit nous parler et aussi commenter l’ensemble.

L’attitude quasi archéologique de Jérôme Bouchard qui soustrait les « particules élémentaires » de peinture, sectionnant et prélevant des morceaux d’une couche de surface, apparaît ici emblématique tant son théâtre opère au sein d’un terrain miné. Cette peinture que Bouchard dissèque, tranche et sectionne de son scalpel est ailleurs utilisée avec profusion par d’autres artistes que l’exposition rend contigus. Les particularismes et l’exemplarité de l’œuvre de Bouchard, ainsi opposée à celle d’autres peintres qui revendiquent un art du trop-plein et de l’outrancier, en ressortent avec d’autant plus d’éloquence.

Pour les artistes de l’exposition, le tableau sous ses formes les plus variées est seul parvenu à s’infiltrer librement à travers la somme des moyens disponibles de nos jours à la création. C’est symptomatique. Aujourd’hui, constate au catalogue Louise Déry, « à l’heure des nouvelles technologies de l’image, du métissage des disciplines et de la consommation rapide de la culture, la peinture consoliderait sa dimension d’objet unique et exclusif, insoumis face à la reproduction et au multiple et portant l’empreinte de sa fabrication ».

Les œuvres de Michael Merrill, Norma Jean Maclean, Mike Bayne, les lancinantes visions cinématiques du périurbain Kym Greeley où, comme vidés de leur substance, les paysages témoignent d’une fusion de ces nouvelles technologies et de la tradition paysagiste canadienne sont particulièrement décoiffantes.

Entre l’approche directe, le détournement, une certaine distance parfois ironique envers la peinture ou la fascination pour sa matérialité ou sa tradition, d’autres temps excessivement forts s’imposent. Ils sont signés Dorian Fitzgerald, Melanie Authier, Anthony Burnham, Arabella Campbell, Elizabeth McIntosh, Justin Stephens… leurs propositions sont multiples, inédites, puissantes.

Écrasant les œuvres adjacentes, la grosse machine bling bling de Simon Bilodeau ne fait pas dans la dentelle. Bilodeau se servirait de la sculpture et de l’installation pour commenter la peinture. Dans ce cas, l’intention critique n’a rien de l’évidence. Et là où on espérait une réflexion lisible en établissant une proximité contrastante, on ne trouve qu’une solution d’accrochage qui bloque l’espace, chargeant de surcroît l’exposition d’une lourdeur plus que physique. Même si ce Projet Peinture prend avec de telles pièces l’allure d’un fourre-tout, on aurait eu tort de le bouder. Car peu importe si, par endroits, ce bilan n’est peut-être plus un bilan du tout. D’autres œuvres, ailleurs, en font un rendez-vous d’exception. 

LE PROJET PEINTURE UN INSTANTANÉ DE LA PEINTURE AU CANADA
Commissaire : Julie Bélisle et Marie-Eve Beaupré
Galerie de l’UQAM, Montréal
Volet 2 : du 7 juin au 6 juillet 2013